Un Mari idéal

Théâtre Clavel

Une pièce d’Oscar Wilde est un plaisir qui ne se refuse pas, en particulier quand elle est aussi bien jouée !

Pour ceux qui penseraient qu’Oscar Wilde est un auteur trop amoureux des paradoxes pour être profond, il n’est pas de meilleure réfutation que « Un Mari idéal ». Écrite en 1895, il s’agit de sa dernière pièce jouée avant la catastrophe judiciaire qui mettra si violemment fin à sa triomphale carrière. Certes, l’on trouve dans ce vaudeville dramatique ce qui a fait tout le talent de Wilde, la critique d’une société basée sur le paraitre et un épicurisme triomphant, portée par de délicieux aphorismes, mais l’on y rencontre aussi un propos sérieux, avec outre une femme machiavélique, des personnages qui s’interrogent voire qui changent pour ne pas cautionner une société un peu trop gangrénée par le goût du pouvoir et du lucre.

En d’autres termes, il y a dans cette pièce une lucidité, une modernité et une tension surprenantes. Un délit d’initié, une tentative de chantage, un couple amoureux mais en danger et un jeune lord revenu de tout faisant le désespoir de son vieux père, figure assez complexe dans laquelle on pourrait voir une forme d’autoportrait, voilà un univers un peu différent de celui auquel Wilde nous avait habitué.

Rien dans « Un Mari idéal » n’est définitif, chaque personnage, capable de surprendre et de s’amender, y est dépeint avec une subtilité touchante. L’intrigue est parfaitement menée (on vous laisse la découvrir, divulgâcher ne faisant pas partie de nos habitudes !), réservant de belles surprises sans jamais cesser de nous amuser de la plus légère des façons. Si Wilde était une boisson, ce ne pourrait être qu’un champagne millésimé et l’un des meilleurs. C’est dire que cette pièce, pétillante, jouée par une troupe aussi jeune que talentueuse, est un enchantement.

Guillemette Regnault qui fait des miracles à la mise en scène, Margaux Wicart, Céline Larmoyer, Christophe Paris, Matthieu Le Goaster et Matthieu de la Taille ont cette capacité de nous transporter dans un univers à la fois si différent et si proche du notre. En habits d’époque, ayant su trouver le ton juste, ils donnent vie à leurs personnages avec une sincérité et une force qui ne pouvaient que nous séduire. Tout milite pour que vous alliez les applaudir. Vous passerez en leur compagnie un bien agréable moment !

Philippe Escalier – Photo © Chang Martin

Un Mari Idéal, de Oscar Wilde, par la Compagnie Harpagon. Mise en scène de Guillemette Regnault. Distribution : Céline Larmoyer, Matthieu le Goaster, Christophe Paris, Guillemette Regnault, Matthieu de la Taille, Margaux Wicart.. Théâtre Clavel. Paris, le 04.03.2024.
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Naïs de Marcel Pagnol

Au Lucernaire à partir du 8 mai 2024

Après le succès rencontré au cours des deux derniers festivals d’Avignon, les parisiens peuvent applaudir « Naïs », adapté par Arthur Cachia et mis en scène par Thierry Harcourt, jusqu’au 30 juin 2024. Présentation de l’équipe qui a su faire vivre cette pièce de la plus belle des façons.

Arthur Cachia

Pour lui tout commence en 2018, quand il met un terme à une carrière commencée dans un prestigieux restaurant étoilé. Sa reconversion ne pouvant se faire que dans le théâtre, il s’inscrit aux cours d’Art Dramatique du « Foyer » où il rencontrera des membres de l’équipe de « Naïs » avec lesquels il crée la compagnie Les Fautes de Frappe. À la fin de sa première année, il présente le monologue du Bossu de « Naïs », une évidence pour ce provençal, amoureux de Pagnol. Le jury dans lequel se trouve Thierry Harcourt lui remet un prix qui est à l’origine de leur rencontre. C’est à lui qu’Arthur Cachia fera appel pour mettre en scène « Naïs ». Lors de sa participation aux « 3 Coups de Jarnac », il joue le rôle-titre de « Dom Juan », « Le Misanthrope » mais aussi « Fric-Frac » qui est à l’origine de la proposition de Béatrice Agenin et d’Arnaud Denis de jouer Maurice, le fils de Georges Sand dans « Marie des Poules », pièce avec laquelle il a été à l’affiche du Studio des Champs-Élysées. Depuis « Naïs » est devenue un phénomène qui n’en finit pas de surprendre et séduire, outre les professionnels, tous les amoureux du théâtre.

Thierry Harcourt

Amoureux des auteurs, Thierry Harcourt a savouré une année riche placée sous le signe de Pagnol, Anouilh et Ionesco. « Les Chaises » ont triomphé au Lucernaire avant de déménager pour six représentations à Versailles tandis que « Pauvre Bitos » continue d’étonner et d’enchanter le public parisien à Hébertot. Séduit par la qualité de l’équipe, la personnalité et le travail d’Arthur Cachia, Thierry Harcourt a accepté sa proposition de mettre en scène « Naïs » et de servir Pagnol. « J’ai aimé que cette histoire soit adaptée d’une nouvelle de Zola. Son côté dramatique est allégé par la poésie de Pagnol. Cette dualité ressemble à nos vies et donne à l’œuvre tout son relief » souligne Thierry Harcourt avant d’ajouter que l’équipe de comédiens s’est entièrement dévouée à ces personnages hauts en couleurs et à ce texte « aussi élégant que léger, capable de nous faire rire et pleurer dans une même phrase ».

Avec 55 mises en scène à son actif, Thierry Harcourt est toujours soucieux de se renouveler. Il travaille actuellement sur deux seuls en scène, « Ne m’enlève pas mon chagrin » de Bénédicte Charpiat et une adaptation de « Terre des Hommes » de Saint-Exupéry par Pierre Devaux.

Marie Wauquier

Elle est arrivée au théâtre il y a 5 ans, venant, après avoir fait Science-Po, du monde du conseil et de la finance. Issue des Cours Le Foyer, co-fondatrice de la compagnie Fautes de Frappe, « Naïs » est son premier grand spectacle.Débordante d’énergie, certaine que le spectacle vivant a vocation à s’exprimer partout où c’est possible, elle continue à se consacrer à ses propres projets dont « Après la peine » qu’elle co-écrit actuellement, qu’elle interprétera en réalisant une co-mise en scène avec Alice Lobel et Fanny Fourme, basée sur des témoignages de détenues finissant leurs longues peines dans la ferme d’Emmaüs Baudonne, lieu de réinsertion unique en France, près de Bayonne. Cette pièce est une aventure de terrain et une histoire de rencontres pour laquelle elle a fait trois séjours sur place et qu’elle qualifie de « bouleversante ». À quoi s’ajoute sa collaboration avec la compagnie « Les Motsdits » pour deux créations, « Dindon farci » de Mickael Laurent et « Milady » de Margaux Wicart, librement inspirée d’Alexandre Dumas et qui sera mise en scène par Justine Vultaggio.

Kevin Coquard 

Il débute par des cours d’improvisation et de théâtre à Reims. Lors de sa formation aux cours Le Foyer il rencontre une partie de l’équipe de « Naïs » dont Arthur Cachia, fan de Pagnol comme lui.  Des extraits sont donnés en spectacle de fin d’année en présence de Thierry Harcourt, membre du jury. Ce sera la première qu’ils monteront en sortant du Foyer avec leur compagnie nouvellement créée « Les Fautes de Frappe ». Ayant toujours aimé raconter des histoires et faire rire, Kevin Coquard est attiré par le seul en scène. Il a, dans ce domaine, un projet en cours qui sera dirigé par Lydie Tison qui ne tarit pas d’éloge sur son écriture, où il mêle le rire, la poésie et le terroir, notamment sa Lorraine natale.

Il a joué récemment dans « Mariage contre la montre » et a aussi écrit un boulevard qui attend la bonne occasion pour se monter.Heureux co-scénariste et acteur avec Clément Pellerin et Pierre Metton, son premier court-métrage, pour le festival Nikon, autour des premiers fusillés pour l’exemple au début de la guerre de 14, a franchi les étapes et fait partie des 50 sélectionnés parmi les 2772 en lice.

Lydie Tison

Originaire du nord, à 19 ans, Lydie Tison, dont la passion du théâtre remonte à la petite enfance, participe au concours Miss France. Elle vient ensuite à Paris pour suivre les cours du Studio Pygmalion. En parallèle, elle commence à travailler pour des plateaux télé et devient rapidement journaliste et coordinatrice artistique. Elle joue des comédies de boulevard puis doit faire des choix, elle se consacre alors à sa carrière télé pendant cinq ans. Mais la scène lui manque ! Elle y revient avec l’écriture de « Joyeux égarements » qu’elle joue à l’Auguste Théâtre. Le second confinement lui donne l’occasion d’écrire son second one : « Comme un oiseau » qu’elle jouera en Avignon en même temps que Pagnol ! Très perfectionniste, elle remet l’ouvrage sur le métier. Le hasard des rencontres l’amène jusqu’à une pointure du monde du spectacle, Alain Degois. Avec lui, elle travaille sur son show où, avec son brio habituel, elle rend hommage, à travers ses rencontres, aux gens modestes et à la France de la débrouille et de l’entraide. C’est grâce à Kevin Coquart qu’elle rencontre l’équipe de « Naïs » où sa personnalité généreuse et son talent peuvent s’épanouir. 

Simon Gabillet

La « première vie » de ce lyonnais a été consacrée à quinze années de sport à haut niveau dont il garde le goût de l’effort, du travail et du collectif. Après une formation en trois temps, aux USA, à Lyon puis à Paris, il travaille avec la compagnie Le Raid avec laquelle il joue plusieurs personnages dans « Le Malade imaginaire », sa toute première pièce qui a beaucoup tourné, notamment au festival d’Avignon, « Orphelins » de Dennis Kelly, l’un de ses auteurs préférés et « Prophètes sans Dieu » de Slimane Benaïssa. Viennent ensuite au Théâtre de la Tête d’or « La Femme du boulanger » de Pagnol, « Vive le marié » de Jean-Marie Chevret et en 2023, « Les liaisons dangereuses » qui lui permettent de rencontrer Thierry Harcourt et de s’installer à Paris.

Comme beaucoup de comédiens, Simon Gabillet a monté sa compagnie. « I am not » entend travailler notamment sur le lien entre la parole et le mouvement avec des comédiens et des danseurs en quête d’un univers mélangeant la danse et les mots. Dans ce cadre, il vient de créer, pour Maeva Lassere, sa compagne danseuse, sa première mise en scène avec « Mamalia ». Le spectacle sera donné le 5 juillet 2024 pendant le festival « Danse à Milly » dans la maison d’enfance de Lamartine près de Mâcon. 

Clément Pellerin

Dans le parcours de Clément Pellerin, on note sa participation, en tournée et en alternance, dans « L’Affaire de la rue de Lourcine », mis en scène par Justine Voltaggio, qui avait fait une centaine de dates au Lucernaire. Il a aussi fait partie de la troupe de « Voyage avec un âne » retraçant le périple de Stevenson dans les Cévennes et qu’ils jouent, en 2021 dans les lieux que l’auteur écossais a traversé durant son parcours en 1878. Le succès rencontré leur permet d’effectuer la même tournée l’année suivante. En 2023, ils sont à l’affiche du festival « Nouvel Acte » au Funambule Montmartre et en sortent avec le titre de lauréat, récompense leur permettant d’être produit par le théâtre, dans la foulée, pour 90 dates. Dans « Naïs », Clément joue quatre personnages ce qui lui demande pouvoir jongler avec les postures mais aussi avec les dictions. Un exercice auquel il est habitué, il avait aussi une ribambelle de personnages à jouer dans le Stevenson, qui s’avère très formateur. Comme tous ses partenaires, il se réjouit de pouvoir jouer « Naïs » à Paris et au Lucernaire qui était le lieu dont ils rêvaient tous.

Patrick Zard’

C’est par mail qu’à lieu sa première rencontre avec « Naïs » : « En 2021, une compagnie de jeunes comédiens m’a envoyé une captation de leur spectacle joué à L’Atelier. Je suis tombé amoureux du projet et j’ai dit à mon associé, Julien Cafaro, qu’il fallait les programmer en 2022 à L’Oriflamme, le théâtre que nous venions d’ouvrir à Avignon. Le spectacle a fait un carton ! ». Par la suite, « Etienne Ménard qui était formidable dans le rôle du père de Naïs n’étant plus disponible, Thierry Harcourt a eu la merveilleuse idée de penser à moi. C’est génial d’être un peu à l’origine de leur aventure sur scène et de pouvoir maintenant les rejoindre à La Condition des Soies ». À cette occasion, Patrick Zard’ effectue son retour sur les planches après 3 ans d’absence. « Si je suis un comédien chevronné, je suis un tout jeune directeur de théâtre et j’ai dû apprendre mon métier ». Autant dire du pain sur la planche d’autant que L’Oriflamme entend vivre en dehors du festival et s’est intéressé aux concerts de jazz avant de mettre en place des cours de théâtre toute l’année et de relancer des spectacles à partir de septembre prochain. Mais avant cela, pour Avignon 2024, Patrick Zard’ met en scène une comédie dramatique qui l’a bouleversé, « Les Enfants du diable » d’une jeune autrice, Clémence Baron. 

Texte Philippe EscalierPhotos © Bruno Perroud

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Majola

Théâtre Essaïon

Écrite par Caroline Darnay avec une subtilité et une simplicité redoutables, cette enquête aux allures de thriller autour d’une femme à la trajectoire si particulière, pose très adroitement des questions morales et existentielles.

Dans « Majola » tout est vrai. Caroline Darnay s’est inspirée de la vie d’Iréne Kalder, qui fut secrétaire d’Oskar Schindler. L’industriel allemand la présente à Amon Göth, chef du camp de travail de Plaszów en Pologne, dans le but de l’aider à sauver des juifs qui tentent de survivre dans ce lieu abominable. Tout en facilitant la tache de son ancien patron, Iréne Kalder tombe amoureuse d’Amon Göth qu’elle épouse. Entre son ami Schindler qui sauva d’une mort certaine de centaines de vies, reconnu « Juste parmi les nations » et son épouvantable mari nazi ayant tout fait pour mériter son surnom de « boucher d’Hitler », qui fut vraiment Irène Kalder ? Sur la base de deux interviews recueillies en 1980 et en 1983, Caroline Darnay décrit de façon passionnante cette femme toujours en équilibre sur la frontière entre le bien et le mal, devenue aveugle par amour et qui refusa d’assumer tous les aspects de sa vie. Une réalité parfois difficile à décrire, le temps, un peu à la manière d’une vague sur le sable, venant effacer peu à peu les traces laissées par l’Histoire, au grand bénéfice de ceux qui avaient des choses à se reprocher. Autour de l’autrice qui est aussi une magnifique actrice, Marc Francesco Duret et Duncan Talhouët jouent brillamment deux générations de journalistes dont les différences d’âge sont source d’interprétations différentes et de conflits. Cette pièce intense et originale, agrémentée d’un coup de théâtre de dernière minute digne d’une cour d’assises, conserve néanmoins, tout du long, une certaine légèreté. Son sujet, son écriture et son interprétation ne pourront que séduire et impressionner ceux qui iront la découvrir.

Philippe Escalier

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Alexandre Nicot : le feu sacré

« Ma version de l’histoire » est son premier grand rôle sur la durée. Entouré de Miren Pradier, Déborah Leclerq et de l’auteur Sébastien Azzopardi, Alexandre Nicot au Théâtre Michel impressionne par la force et la sincérité de son interprétation et participe, avec brio, au succès d’une comédie particulièrement réussie. Découverte d’un jeune acteur surdoué et passionné qui brule les planches.

Alexandre, j’ai vu que vous aviez remporté, au lycée, un Premier Prix en Histoire. De quoi s’agit-il ?

Petit, j’adorais lire et raconter des histoires. En terminale, les meilleurs élèves en Histoire pouvaient passer un concours portant sur la Résistance et la Déportation. Très attiré par cette période, je me suis inscrit et j’ai écrit une dissertation de quatre heures sur le thème « comment résister dans les camps nazis ? », récompensée par un premier prix. 

Comment expliquez-vous que vous ne soyez pas venu au théâtre tout de suite ?

Au collège, j’ai fait beaucoup de football et le théâtre était assez éloigné. Au lycée, le théâtre m’attirait déjà beaucoup je voulais suivre une formation d’Art Dramatique. Mais pour rassurer des parents inquiets de me voir partir après le bac sans rien de concret en poche, j’ai fait une école de commerce. Mais même là-bas je me suis retrouvé à découvrir la mise en scène. Pour présenter notre mémoire de fin d’étude en 1ere année, on devait présenter une mise en scène à la promotion pour expliquer le sujet de façon ludique. J’ai adoré faire ça, écrire et mettre en scène une histoire pour questionner ma promotion sur un sujet d’actualité : le salafisme. J’ai fini ce cursus, avec notamment des séjours à New York et en Argentine où j’ai rencontré un réalisateur chilien (on jouait au foot ensemble) avec qui j’ai collaboré plus tard pour mon film « La Marelle ». Quand mon école de commerce s’est terminée, je me suis dit que je ne pouvais plus attendre et que je devais faire une école de théâtre. J’ai intégré l’École du Jeu en 2017. J’y ai travaillé la TCIC (Technique Corporelle Intuitive Confirmée), un grand travail corporel et sur le ressenti émotionnel. Il y avait un côté très rigoureux. J’y ai appris à m’investir à fond mais c’était très particulier, très dur et au bout de deux ans, j’ai eu envie de découvrir une nouvelle pédagogie.

Seconde formation que vous avez choisie comment ?

Au cours d’un stage, j’avais rencontré une professeur, Diana Ringel, venant de l’école Claude Mathieu. Elle me l’a vivement conseillée. Je l’ai écoutée et quand j’ai poussé les portes de l’école pour la première fois, je suis tombé sur Claude Mathieu et là, c’est un peu le coup de foudre : un homme de 90 ans, souriant, bienveillant, lumineux, qui me parle de théâtre, de Racine, avec énormément de gentillesse, tout ce dont j’avais besoin après la formation un peu stricte que je venais de vivre ! Les auditions se passent bien dans un esprit très convivial. J’avais préparé une scène de Claudel, de Falk Richter et un poème de Raymond Carver. On est en 2019, je suis passé directement en deuxième cycle pour travailler « Le Soulier de satin » dans la classe de Claude Mathieu. Cette rencontre a beaucoup compté pour moi et, l’an dernier, en 2023, j’ai tourné avec lui « Claude », un documentaire de 26 minutes, il me semblait important que l’on sache comment enseignait ce grand homme de théâtre.

Avez-vous accroché au théâtre de Paul Claudel que certains trouvent un peu aride ?

Oui et d’ailleurs, j’ai une pièce de théâtre qui me suit depuis que j’ai commencé mes formations, c’est « L’Échange » de Claudel. À Claude Mathieu, alors que la pièce barbait tout le monde, j’étais aux anges et je voulais faire toutes les scènes, ce que j’ai quasiment fait. J’ai pris beaucoup de plaisir, c’est une expérience qui m’a beaucoup marqué. Un peu comme le travail que j’ai pu réaliser sur les chansons de Jacques Brel.

2019, le confinement vient vous percuter. Comment avez-vous géré cette période ?

Oui et d’ailleurs, j’ai une pièce de théâtre qui me suit depuis que j’ai commencé mes formations, c’est « L’Échange » de Claudel. À Claude Mathieu, alors que la pièce barbait tout le monde, j’étais aux anges et je voulais faire toutes les scènes, ce que j’ai quasiment fait. J’ai pris beaucoup de plaisir, c’est une expérience qui m’a beaucoup marqué. Un peu comme le travail que j’ai pu réaliser sur les chansons de Jacques Brel.

2019, le confinement vient vous percuter. Comment avez-vous géré cette période ?

Je suis rentré en Bourgogne qui est ma région natale. Pour continuer à travailler nous avons fait des vidéos. J’ai décidé de me filmer dans « Oncle Vania » de Tchekhov.  Pour en faire un vrai court-métrage, j’ai travaillé avec un acteur russe, Grigori Manoukov. C’est ainsi qu’est né « Le Grand Carême ». Suivra « Vivre », qu’il fallait réaliser en 48 h. Les deux films m’ont donné envie d’aller vers un travail plus professionnel. J’avais été très touché par un documentaire se passant à Alep, « Pour Sama », je voulais faire un film sur plusieurs pays dont la Syrie. Il se trouve que le sujet du Nikon Film Festival auquel je voulais participer était le jeu. J’ai cherché quel pouvait être le jeu universel, je me suis arrêté sur la marelle : ce sera le titre du film. Avec une équipe technique, j’ai tourné, parce que c’était plus simple, au lac de Salagou dont les terres ocres pouvaient faire penser à la Syrie dont je voulais parler et je me suis mis en recherche des jeunes qui allaient pouvoir participer au film. À l’issue de cette expérience exceptionnelle j’ai gagné le prix « À ton Court » organisé par l’Agence du court métrage et France TV qui, au passage, a souhaité acquérir les droits.

Revenons à « Ma version de l’histoire ». Comment s’est passé le casting avec Sébastien Azzopardi ?

Quand j’étais chez Claude Mathieu, j’étais en cours avec Déborah Leclercq sur la pièce de l’Echange de Claudel justement. Peu de temps après ma sortie, Déborah lui ayant parlé de moi, j’ai reçu un appel de Sébastien Azzopardi qui cherchait le dernier des quatre comédiens pour jouer deux rôles, un jeune ado et un cadre. Je me suis trouvé à l’audition avec des copains de chez Claude Mathieu. Cette mise en concurrence n’était pas évidente, mais quand j’ai lu le texte je me suis dit que c’était pour moi. Je l’ai beaucoup travaillé, conscient de la belle opportunité qu’une telle pièce représentait. J’étais totalement investi, il s’est passé quelque chose durant les essais et au second tour, j’ai décroché le rôle. Depuis, à ce bonheur, s’est ajouté celui de jouer avec Miren Pradier, une source d’inspiration et de sincérité propre à encourager le jeune comédien que je suis.   

Sur scène, on vous sent tellement à l’aise, vous n’avez jamais douté ?

Oh que si ! Et puis il y a toujours une petite part de vous qui doute. Ce n’était pas toujours évident, parce qu’à l’exception de ma maman, personne ne croyait vraiment à ma carrière théâtrale. Dans les yeux de mon père j’ai toujours été sensé reprendre l’entreprise familiale. Il a fallu passer pas mal d’obstacles. Mais malgré tout, je savais ce que je voulais, c’est comme ça qu’après cinq années d’école de commerce, quand mes amis commencent à rentrer dans la vie active par la grande porte, je viens faire du théâtre à Barbés avec une professeur qui me donne des leçons sur la vie, l’amour, la mort ! Ça fait bizarre. Mais tel était mon choix ! Et pour faire mes tous premiers pas, j’ai eu la chance de jouer neuf soirs, au Théâtre Montansier à Versailles « Roberto Zucco » de Bernard-Marie Koltès dans la magnifique mise en scène par Thomas Bellorini.

Depuis, la pression paternelle a faibli ?

Oui, bien sûr. C’est lui qui est venu me voir le plus : il a assisté à huit représentations de « Ma Version de l’histoire » !

Représentations après représentations, comment se passent les ajustements entre vous ?

C’est là que c’est fascinant. Chaque soir c’est différent. Suivant notre humeur, notre état, il peut y avoir des petites différences. J’ai la chance d’avoir des partenaires talentueux avec qui je m’entends très bien donc on n’hésite pas à se partager nos ressentis afin de réajuster des petites choses pour la prochaine représentation. C’est ça qui est intéressant aussi pour moi, jeune comédien, apprendre à jouer tous les soirs, essayer d’être toujours au plus juste dans mon jeu d’acteur.

Quand vous vous projetez, comment vous voyez-vous ?

La question m’impressionne, je sais où je suis pour le moment, c’est déjà bien. L’avenir, c’est difficile d’y répondre, mais si je le fais, sans filtre, je dirai que je n’ai pas de limites, rien ne me fait peur. Le cinéma m’attire mais ce qui m’importe, c’est la beauté du projet et la façon dont je vais m’y épanouir. Je ne veux pas être rangé dans une case ni tomber dans les clivages, public, privé. J’essayerai toujours de suivre ce que me dit mon cœur en le faisant à 200% !

Philippe Escalier

Photos noir et blanc © India Lange

Photo « Ma version de l’histoire«  © Emilie Brouchon

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Marc Tourneboeuf

Théâtre du Marais

Avec « L’impatient ou le fol optimisme de ceux qui se mangent des murs », Marc Tourneboeuf signe son deuxième seul en scène et confirme son talent et son goût pour les sous-titres à rallonge !

Une chose est sure : on serait bien en peine d’accuser Marc Tourneboeuf d’autosatisfaction. Son sens de l’autodérision est, encore une fois, tout entier mis au service de formules assassines (et si drôles) qui ponctuent sans relâche son dernier spectacle. Après nous avoir conté sa Berezina sentimentale dans son premier opus, le voilà qui revient pour nous narrer sa vie de comédien ressemblant à une salle d’attente où serait projetée en boucle la bataille de Waterloo. Rien de tout ce qui est prévu n’arrive. Le producteur est plus difficile à déplacer que la Tour Eiffel, son agent atteint d’un Alzheimer précoce, ne se souvient jamais de lui, son psy s’évertue à lui laisser faire le boulot, tous ces grands moments de solitudes s’accompagnent de scènes de la vie quotidienne que le comédien, qui ne manque pas d’imagination, a l’art de rendre irrésistibles. La copine espiègle, la petite amie frivole, l’intervention du beau-frère par caméra vidéo interposée en plein rendez-vous coquin, les petits et grands épisodes groquignolesques ne manquent pas. Tous sont marqués par un remarquable sens de la formule. Magicien du lexique, dompteur de mots, Marc Tourneboeuf adore jouer sur les consonances qui déroutent allégrement un public hilare. Nul n’a plus que lui l’art de la situation improbable, ni la capacité de dépeindre les absurdités que l’on rencontre tous les jours. Son spectacle, mené à un rythme d’enfer, a pour particularité d’être une description extraordinaire de tout ce qui pourrait faire son ordinaire. Cette aptitude à utiliser l’humour pour dépeindre ses semblables de façon aussi imagée et jubilatoire est l’une des nombreuses qualités d’un artiste que nous sommes toujours impatients de retrouver sur scène !

Texte et photo : Philippe Escalier

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Le Vertige

Théâtre de la Madeleine

Ils sont quatre, réunis sur une terrasse, au sommet d’un bel immeuble cossu, autour de Tom, (Alexis Moncorgé), pour fêter la naissance de sa fille et profiter d’une belle terrasse, les deux faisant son bonheur. Son jeune frère, Benjamin (Arthur Fenwick) ne semble pas aller très bien, pas plus que Marc (Andy Cocq) le salarié-copain de Tom et Lisa (Anne-Sophie Germanaz) qui désespère Benjamin, son amoureux transi. Difficile dans ces conditions de vraiment se réjouir et célébrer le maître des lieux, un extraverti particulièrement imbu de sa personne.

Hadrien Raccah, toujours très à l’aise dans la comédie de mœurs, nous laisse entendre des dialogues percutants, sans pour autant chercher la formule à tout prix. Dans « Le Vertige », il s’est intéressé au double sujet des failles personnelles, amicales ou professionnelles, celles qui déséquilibrent et que l’on essaye de cacher en les gérant au mieux et par ailleurs, ce qu’il convient de dire ou de ne pas dire pour rester honnête sans mettre en péril sa vie sociale. C’est donc à un duel à quatre à fleuret moucheté d’abord auquel nous assistons avec des personnages qui ne sont jamais d’un seul tenant et dont les faiblesses nous amusent et nous touchent. Dans cette pièce d’une efficacité redoutable, les moments drôles, les plus nombreux, alternent avec des séquences tendues ou dramatiques. Le mélange s’opère grâce à l’agilité d’une écriture au style à la fois simple, subtil et léger. La mise en scène efficace et sobre de Serge Postigo met en valeur les qualités des comédiens qui nous entrainent dans un moment absolument réjouissant. De cette comédie sur le mal-être on sort heureux !

Philippe Escalier

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Simon Gabillet

Lyonnais d’origine, Simon Gabillet a commencé à travailler dans sa ville natale avant de profiter de sa participation en 2023 à la pièce « Les Liaisons dangereuses » mise en scène par Arnaud Denis pour rejoindre la capitale et y développer ses activités artistiques. Les deux pièces de Pagnol « Naïs » et « Le Schpountz » qui complètent son actualité nous ont amené à nous intéresser à un jeune comédien doué, bien décidé à étoffer un parcours déjà conséquent.

L’on pourrait dire de Simon Gabillet qu’il crève l’écran s’il ne se consacrait pas, pour l’instant, à la scène. Ce qui frappe lorsqu’on le découvre c’est, au premier abord, sa présence, qui fait qu’on ne le quitte pas des yeux, son jeu, tout en finesse et sa façon de bouger et d’occuper l’espace. De toute évidence, le comédien est à l’aise avec son corps et cela se voit. Cette facilité lui vient en partie d’une fascination pour la danse et des quinze années très intenses de volley-ball qu’il a commencé très jeune et pratiqué à haut niveau. Seule une forme de lassitude face à un milieu où il ne se sentait pas totalement épanoui le pousse à changer de cap et à suivre des cours de théâtre. Il garde de sa première expérience le goût de l’effort, du travail et du collectif et ce compétiteur né retrouve sur les planches ce qui caractérisait ses matches, à savoir la victoire point par point. Comme il le dit : « une représentation de théâtre ressemble à une rencontre sportive, il faut avancer en rythme, étape par étape pour aller vers la victoire, en l’occurrence, les applaudissements de la salle ». 

Après une formation en trois temps, aux USA, à Lyon puis à Paris, il travaille avec la compagnie Le Raid avec laquelle il joue plusieurs personnages dans « Le Malade imaginaire », sa toute première pièce qui a beaucoup tourné, notamment au festival d’Avignon, « Orphelins » de Dennis Kelly, l’un de ses auteurs préférés et « Prophètes sans Dieu » de Slimane Benaïssa. Viennent ensuite au Théâtre de la Tête d’or « La Femme du boulanger » de Pagnol, « Vive le marié » de Jean-Marie Chevret et « Les liaisons dangereuses » qui lui permettent de rencontrer Thierry Harcourt venu assister à une représentation en région parisienne lors de la tournée. Le metteur en scène lui propose alors de participer à « Naïs » et il rejoindra également par la suite l’équipe du « Schpountz » mis en scène par Delphine Depardieu et Arthur Cachia, deux pièces de Pagnol qui vont occuper une partie de son année 2024.

Ce grand sportif, attiré par la dimension corporelle du jeu, s’intéresse de près à la danse. « J’aime tout faire mais les personnages nécessitant un engagement corporel, quasi chorégraphique, me passionnent ». Quand il le peut, ses moments de formation sont tournés vers la danse contemporaine, très utiles pour la scène mais aussi pour canaliser et extérioriser une grande énergie physique. De surcroit, la profession de sa compagne Maeva Lassere, danseuse venue travailler en free-lance à Paris, ne peut pas être totalement étrangère à cet intérêt. Du reste, il crée avec elle, pour la première fois, une mise en scène intitulée « Mamalia » pour le festival « Danse à Milly » qui se déroulera dans la maison d’enfance de Lamartine près de Mâcon et où, le 5 juillet 2024, ils donneront ensemble un spectacle où elle dansera accompagnée d’un texte qu’il interprétera.

Comme beaucoup de comédiens, Simon Gabillet a monté sa compagnie. « I AM NOT » vise notamment à travailler sur le lien entre la parole et le mouvement avec des comédiens et des danseurs en quête d’un univers mélangeant la danse et les mots. Parmi les projets en gestation, l’un concerne le parcours de danseuse de son amie Maeva Lassere, depuis l’âge de 5 ans où elle découvre sa discipline jusqu’à aujourd’hui, l’autre, un seul en scène dans lequel il jouera avec l’imaginaire car selon lui « il n’y a pas meilleur espace que la scène pour se ré-inventer à l’infini » et dans lequel il donnera libre cours à son goût des mots, de la parodie et de l’humour dans un théâtre fondamentalement physique. Il y exprimera sa fascination pour les danseurs et son plaisir à donner l’illusion qu’il en est un ! Il ne fait pas de doute que le public se laissera embarquer par ses talents de conteur, avec le plaisir incomparable que l’on a de suivre un excellent comédien. Pour l’heure, nous allons pouvoir découvrir ce lyonnais au Lucernaire à Paris dans « Naïs » le texte de Marcel Pagnol, le plus marseillais des auteurs français, à partir du 8 mai 2024 au Lucernaire.

Philippe Escalier – Photos © Bruno Perroud

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Le jeu de l’amour et du hasard

Théâtre Le Lucernaire

Dans cette pièce, l’un des chefs d’œuvre de Marivaux, l’auteur se livre, comme à son habitude, à une fine description des relations sociales et affectives. La mise en scène, très subtile, permet de savourer avec plus d’intensité encore ce moment jubilatoire porté par une belle troupe.

Le XVIIIe siècle a porté, en particulier grâce à Marivaux, la langue française à des sommets. La préciosité de ses textes est toujours tempérée par la justesse de ses observations et l’humour qui les accompagne. Cette langue si classique n’en demeure pas moins parfaitement limpide et d’une éclatante modernité, on en veut pour preuve le quasi féminisme dont il se fait l’avocat. Chez Marivaux, la femme a redressé la tête et elle décide. Dans « Le jeu de l’amour et du Hasard », c’est justement pour arrêter son choix en toute connaissance de cause que Silvia entreprend de permuter les rôles avec sa servante dans le but de se déterminer face au bon parti proposé par son père. Ce subterfuge devient d’autant plus piquant que le promis, sans rien savoir, a fait de même avec son serviteur. Tout est en place pour que les véritables personnalités apparaissent, sans fard, au grand jour au prix d’un véritable désordre amoureux et d’une situation toute chamboulée qui vire au dérapage incontrôlé.

La mise en scène élaborée et joyeusement délirante de Frédéric Charboeuf, dans sa dualité classique-moderne est du plus bel effet. Les habits de cour ont été oubliés pour faire place à des tenues de prolétaires. Ces décalages qui s’accompagnent de multiples trouvailles et d’un jeu d’acteur sans faille, font ressortir les merveilles du texte délicatement soulignés par quelques virgules musicales hétéroclites, mêlant Rameau, Wagner et Grease (avec « You’re the one that I want »). Les surprises s’enchainent et les deux personnages principaux vont devoir ramer dur pour sortir du piège dans lequel ils se sont fourrés. Respect des convenances, impossibilité de se mésallier, qui du statut social encore prégnant ou de l’amour va l’emporter ? Le simple fait de poser la question caractérise le fossé séparant le XVIIe du XVIIIe siècle qui marche allégrement vers les Lumières. Et Marivaux de continuer à nous faire rire et à nous étonner en décrivant ce cheminement vers le progrès et l’émancipation. Les longs applaudissements que le public réserve au jeu d’Adib Cheiki, Matthieu Gambier, Jérémie Guilain, Lucie Jehel, Frédéric Charboeuf, Dennis Mader et Justine Teulié (en alternance avec Camille Blouet), ces véritables preuves d’amour ne doivent donc rien au hasard !

Philippe Escalier Photo © Mcaelicia

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Homini Lupus

La Croisée des chemins 

Ce texte décrivant trois destins emblématiques pose sur l’âme humaine un regard affuté que l’interprétation rend plus émouvant encore.

La Croisée des chemins : le nom du théâtre pourrait bien être le sous-titre potentiel de cette première pièce de Julien Altenburger. Trois comédiens pour trois vies qui synthétisent les grands combats de l’existence : la liberté, la dignité, le respect de l’autre. Et ce, à travers les thèmes si actuels de la violence conjugale, de l’intégrisme religieux et du rejet des différences. Pour un premier texte, la barre est haute. Le plaidoyer est vibrant, il est parfois un peu didactique mais il sait entrainer le spectateur dans cet entrelacement de vies, avec ses parts d’ombre et de lumière. Il sait parfaitement démontrer, et comment ne pas y être sensible en ces moments si tendus que nous vivons ? à quel point tout est si fragile. « Homini Lupus » nous dit bien que la vie ne saurait se résumer à une longue marche vers le progrès. Ce plaidoyer, ce cri, au-delà des difficultés et de la noirceur dépeintes, laisse pourtant toujours une place à l’espoir. Pour ces épreuves et ces combats, Bunny Chriqui, Raphaël Fournier et Mahmoud Ktari, dans la mise en scène de Grégoire-Gabriel Vanrobays qui va à l’essentiel, apportent leur large palette de jeu et leur force de conviction capables de générer en nous toutes les émotions. Grâce à eux, le texte où tout est si fortement et subtilement imbriqué, prend toute sa dimension.  

 « Je suis le meilleur, je suis le pire, je suis moi ! » : entre optimisme béat et pessimisme fatal « Homini Lupus » fait une belle place à la vie et parle directement au cœur des spectateurs. Au final, les applaudissements mêlés de larmes sont là pour attester que le but a été atteint !

Philippe Escalier

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Clémentine Célarié

Époustouflante dans « Je suis la maman du bourreau »

Clémentine Célarié a transformé son immense coup de cœur pour le texte de David Lelait-Helo en un spectacle envoutant à l’affiche de la Pépinière Théâtre. Avec nous, elle revient sur sa vie et son seule en scène qui a bouleversé le festival d’Avignon 2023.

Comment s’est faite la rencontre avec « Je suis la maman du bourreau » ?

Après avoir vaincu ma maladie, je n’avais qu’une hâte, c’était retravailler. Avec mon producteur et ami, Jérôme Foucher, je cherchais un spectacle pour faire un autre Avignon. J’ai lu beaucoup de choses, je suis revenue à Maupassant, je me suis intéressée à Zola. Je voulais quelque chose de singulier et de puissant. Un jour, j’étais à Crozon où une copine, Catherine, est la libraire du lieu. Je lui ai demandé si elle n’avait pas un livre avec un personnage féminin très fort à me proposer. Elle m’a tendu : « Je suis la Maman du bourreau ». J’ai eu un coup de foudre absolu. Jérôme a demandé les droits. J’ai appelé David Lelait-Helo. J’avais lu « Poussière d’homme » et je trouve qu’il y a chez cet auteur une formidable intensité des sentiments. Ce que j’aime dans cette pièce, c’est le dilemme paradoxal, à la fois l’amour absolu et la confrontation avec l’horreur et les déchirements qui en découlent.

Quand on vous voit sur scène, quand on observe votre jeu, que l’on est happé par votre personnage et que l’on est traversé par des émotions dingues qui, à la fin, éclatent quand toute la salle se dresse comme un seul homme pour vous applaudir, on peut se demander comment vous travailler vos personnages et comment vous atteignez un tel degré de perfection ?

Ce que vous dites me touche beaucoup. Cela me donne envie de m’interroger encore davantage, d’autant que je suis en train d’écrire un livre sur mon métier, ma passion. À partir du moment où j’ai un coup de foudre, je suis reliée au personnage tout le temps et je ne suis jamais en repos. J’ai fait l’adaptation, David Lelait-Helo m’a fait confiance, ça m’a traversé comme si le texte avait été écrit pour moi. Tout est venu naturellement, y compris la mise en scène.

Quand j’ai préparé Avignon, j’étais obsédée. Je ne pensais qu’à mon texte. J’ai regardé des films traitant du même sujet, j’avais besoin d’observer des camarades de jeu, de voir des fictions, tout en lisant et relisant mon texte. J’ai repensé à des personnes de ma famille et de mon entourage qui m’ont marqué par leur pureté. Je recherche la pureté et je crois en la pureté des êtres, ce n’est pas pour rien que je fais ce spectacle autour d’une femme qui se prend pour la fille de Dieu. J’étais tellement imprégné par mon personnage qu’il m’a fallu m’entrainer à me reposer la tête. Dans ce travail, mes fils m’ont aidé en me disant de ne surtout rien surligner, que tout était clair et qu’il ne fallait pas faire de mon personnage une caricature de son milieu social. J’ai regardé « Le Silence des Agneaux » pour m’aider à exprimer une froideur que j’ai toujours du mal à avoir et que je trouvais intéressante à travailler. Il fallait simplifier et dédramatiser. Pour Paris, je me suis préparée physiquement pour être entrainée, avoir du souffle et être tonique. Mais lorsque j’ai joué à Avignon, le rôle m’a dévoré. Je ne voulais pas aller au soleil pour garder une peau blanche. Je voulais être dans l’état second qui caractérise mon personnage. Il s’est d’ailleurs passé pas mal de choses autour du spectacle. Dans cette histoire d’un amour dévorant, le public est touché, il se sent concerné. Je me suis même posée des questions sur l’éducation de mes enfants, on influe sur eux, parfois sans le vouloir ou sans s’en rendre compte. Jeune, maman m’a mise en pension chez les bonnes sœurs, j’ai eu envie de devenir l’une d’elles à moment donné. Mais comme je suis une grande passionnée, j’aurais été amoureuse de tous les curés (rires). À 16 ans, elle m’a amené au théâtre et là, ça m’est tombé dessus d’un coup : tout était réuni, la beauté, la bonté, le sacré, en dehors du monde. C’est aussi ce que j’aime chez mon personnage c’est qu’elle est en dehors du monde !

Clémentine, où en êtes-vous de l’adaptation de votre livre écrit sur votre cancer, « Les Mots défendus ?

J’ai eu un problème avec cela depuis que j’ai rencontré des personnes extraordinaires de la maison RoseUp dont je parle tout le temps car c’est un endroit incroyable où les femmes qui ont eu un cancer peuvent aller et où elles sont entourées et écoutées. Depuis, je me dis que je ne peux pas parler uniquement de mon cancer, il faut que je puisse parler de ce que les autres ont vécu. J’ai décidé d’inclure dans la mienne, l’histoire de toutes ces femmes que j’ai rencontrées. J’ai un projet d’ateliers théâtre pour les amener dans la force que peut apporter l’imaginaire. Pour que l’on puisse se dépasser dans nos émotions, se dépasser soi-même en incarnant autre chose que soi. Croire en quelque chose d’autre, c’est, avec mes enfants, ce qui me sauve. La vie limitée à la gagner et faire des diners, ce n’est pas ça pour moi ! C’est dire des conneries avec les copains, franchir les limites, jouer « Une vie » 150 fois, être libre de vivre avec qui l’on veut, créer des projets, être fou, grandir, toujours grandir !

Philippe Escalier Je suis la maman du bourreau, photo François Fonty

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«The Rocky Horror Show» au Lido 2 Paris

Rencontre avec le metteur en scène Christopher Luscombe

50 ans après sa création, le rock’n’roll musical culte de Richard O’Brien revient enchanter les Parisiens. Son metteur en scène, Christopher Luscombe, aborde avec nous son parcours et nous parle de cette grande fête contagieuse et transgressive autour des fiancés Brad et Janet, du docteur Frank-N-Furter et sa créature musclée, Rocky.

Christopher, vous qui avez travaillé au théâtre, à l’opéra et dans la comédie musicale, diriez-vous que le mélange des genres est l’une de vos caractéristiques ?

Je le crois en effet. J’ai toujours essayé de continuer à faire des choses différentes. J’ai été acteur pendant 17 ans et je suis metteur en scène depuis plus longtemps encore, et vous avez raison, j’ai un penchant pour varier les plaisirs. Cette année, j’ai fait « Rocky Horror » à Sydney, « Gypsy » à Tokyo en passant par « Le Barbier de Séville » à Garsington et « Private Lives » à Londres soit une comédie musicale rock, une comédie musicale de Broadway en japonais, un opéra en italien et une pièce de théâtre. Je suppose que ce qui les unit tous, c’est la comédie. J’ai tendance à travailler avec du matériel comique, quoique dans des genres très différents. Cela dit, mon prochain opéra est « Tosca », c’est effectivement très sérieux, mais j’ai pensé qu’il serait bien pour moi de faire quelque chose qui ne repose pas sur le rire !

Pour quelle raison avez-vous choisi « Rocky » ?

Je n’avais jamais vu « Rocky Horror » lorsqu’on me l’a proposé il y a 18 ans, et je n’aurais jamais imaginé le réaliser. Mais j’en suis tombé amoureux de ce show où Richard O’Brien a si bien mêlé le glamour et la fantaisie macabre. Cela a été le spectacle le plus heureux et le plus gratifiant sur lequel j’ai travaillé, partout dans le monde. Il m’a ouvert des portes et un nouveau public tout en générant de nombreuses opportunités. Je pense qu’il est bon de se lancer dans des projets inattendus, car ils vous lancent des défis et vous font travailler plus dur, c’est idéal pour moi qui aime bousculer les choses.

Comment avez-vous fait votre casting pour Paris ?

Les acteurs qui vont jouer à Paris font partie du spectacle depuis un certain temps, jouant dans le West End de Londres et en tournée au Royaume-Uni. Certains d’entre eux sont en production depuis plusieurs années et ils sont si merveilleux que nous les avons invités à continuer, et ils n’ont pas eu besoin de beaucoup de persuasion ! Nous plaisantons en disant que c’est comme une famille, et parfois les gens s’éloignent et font autre chose, avant de revenir au bercail. « Rocky » crée une certaine dépendance, je pense. Nous avions besoin d’artistes capables de chanter, de danser et de jouer à un très haut niveau, nous sommes très chanceux d’avoir trouvé des interprètes aussi talentueux.

Vous avez beaucoup tourné avec « Rocky ». Avez-vous observé des différences de réactions selon les pays ?

Oui, cela varie énormément, même d’une ville à l’autre au Royaume-Uni, le nord étant généralement plus explosif que le sud ! Il y a un énorme public pour « Rocky » en Italie, en particulier dans une ville comme Milan, et ils étaient incroyablement enthousiastes en Israël. Barcelone l’a découvert récemment mais le coup de cœur a fonctionné à plein et nous avons toujours un accueil très chaleureux en Australie et en Afrique du Sud.

Philippe Escalier – Photos : Nathan Kruger (portrait de Christopher Luscombe) et Philippe Escalier

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Peter McPherson, acteur généreux et militant

Ses multiples talents, à l’écran ou sur scène et la sortie en France du film « Dans la mêlée », nous ont donné envie de nous intéresser à un acteur, artiste dans l’âme, au parcours déjà riche et à la personnalité très attachante.

Artiste je serai !

Contrairement à ce que son nom peut laisser penser, Peter McPherson a des origines irlandaises.  Ses débuts sont conditionnés par sa personnalité : il n’est pas issu d’une famille d’artistes mais sa manière de surmonter la grande timidité qui marque sa jeunesse consistera à intégrer une école d’art dramatique. « Certains choisissent ce métier car ils veulent réussir et briller, pour moi cela a été une porte ouverte sur le monde, une façon de m’exprimer et de me réaliser. À l’école, je ne savais pas ce que je voulais faire mais j’avais déjà en moi cette énorme envie de jouer ». Pour ce faire, à 17 ans, il quitte Hartlepool, sa ville natale du nord de l’Angleterre pour rejoindre la capitale et suivre des cours dans un théâtre musical et s’inscrire, pour une formation d’acteur, au Drama Centre London.

Acteur, représentant de sa communauté

Aujourd’hui, si ses affinités avec le théâtre restent essentielles, il apprécie toujours davantage de tourner pour la télé ou le cinéma. Sa pièce favorite « Afterglow » qu’il a joué deux fois et dans deux rôles différents, est une histoire moderne sur la complexité et la spécificité des relations gays (non exclusives) donnée récemment au Southwark Playhouse. Dans son dernier film, « Dans la mêlée » (« In from the Side »), réalisé en quelques semaines, Matt Carter ayant préparé avec soin les épisodes de tournage, il est victime d’un adultère suite à l’arrivée d’un nouveau joueur très sexy au sein d’un club de rugby gay. Tout n’y est pas rose, loin de là, mais les scénaristes sont sortis des sujets un peu habituels pour se concentrer sur les relations affectives, fussent-elles turbulentes, ce que Peter trouve très rafraichissant. De nombreux acteurs réunis pour tourner ce film sont gays. Pour Peter, il est naturel et important que des récits construits pour façonner l’histoire d’une communauté puissent être interprétés (du moins le plus souvent) par des artistes qui en sont issus. Comme dans la belle série « Fellow Travelers » avec les emblématiques Jonathan Bailey et Matt Bomer.

Peter McPherson a toujours trouvé un peu tristes ceux qui refusaient d’assumer qui ils étaient et s’obligeaient à vivre dans le silence et parfois le mensonge. Pas question pour lui de prétendre être celui qu’il n’est pas. N’avoir jamais caché son statut de HIV positif a permis à son agent de lui proposer en 2022 « Others », un magnifique court-métrage fantastique de vingt minutes, tourné à Toronto, qui vise à changer la perception que l’on a parfois des personnes séropositives. Le film a été produit par Casey House, fondée en 1988 par un groupe d’activistes communautaires, de journalistes et de bénévoles « consternés » par l’indifférence de la société à l’égard de l’épidémie de sida. Ce tout premier établissement autonome au Canada pour les personnes vivant avec le VIH est devenu depuis un hôpital soignant les personnes atteintes de la maladie, avec une approche marquée par l’attention et la compassion.

Pour Peter McPherson c’était une première absolument passionnante qu’il a accepté avec la grande générosité qui le caractérise, le plus important étant de mettre ses talents au service d’une cause, de faire œuvre utile, quand bien même cela pourrait ne pas forcement doper sa carrière.  Pour autant, il ne se sent pas prisonnier d’un type de rôle, en particulier gay, d’une part parce qu’il a pu interpréter des personnages très différents, mais aussi du fait de la richesse des rôles de personnages homosexuels qui ne sont plus réduits à des caricatures depuis qu’ils sont (enfin !) devenus très visibles.

Peter et la musique

La scène n’est pas uniquement synonyme de théâtre puisque ses compétences de danseur lui ont permis de figurer dans des productions d’opéra comme « Carmen » de Bizet ou « Mithridate » de Mozart à côté des grandes comédies musicales comme « Cats » dans le rôle d’Alonzo en 2006, spectacle avec lequel il fait une tournée en Grande-Bretagne. Il était aussi Peter dans « Jésus-Christ Superstar », Travis dans « Footlose » pour n’en citer que quelques-unes.

On ne peut passer sous silence la vingtaine d’apparition dans des pubs que son physique de mannequin lui permet. Si Peter vient d’atteindre la quarantaine, il n’en a pas moins conservé un physique de jeune premier idéalement musclé.  Dernièrement, sa participation au film publicitaire d’une grande marque le rend visible sur tous les écrans au moment des fêtes de Noël. « On me voyait partout, y compris dans le métro » dit-il en souriant.

Acteur de séries

Comme tous les acteurs, Peter est attiré par les rôles un peu sombres, plus passionnants à jouer. Il donne l’exemple de Gareth qu’il est en train d’interpréter dans le soap-opera « Hollyoaks » dans des épisodes où il est question de dénoncer les pratiques de conversion qui provoquent des ravages chez les jeunes gays. Il a déjà pu tourner 16 épisodes de cette série célèbre dont les débuts remontent à 1995.

Parmi la dizaine de séries à mettre à son actif, il est facile de lui faire parler de « Years and Years » où il côtoie Emma Thompson, une très belle rencontre. « C’est une immense actrice avec un cœur énorme. Elle prenait le temps de connaitre tous les participants qui travaillaient autour et elle connaissait les prénoms de tout le monde. Elle se présentait toujours modestement en disant Hi, je suis Emma Thompson ! comme s’il était possible qu’on ne la connaisse pas. Je l’ai vue faire des pieds et des mains pour qu’une jeune actrice débutante un peu en difficulté puisse avoir ses heures. Cette femme extraordinaire est toujours à l’écoute des autres ! ».

Un homme amoureux

L’on ne saurait conclure ce rapide portrait sans mentionner que depuis plus de dix ans, Peter file le parfait amour avec David qu’il a rencontré alors que celui qui allait devenir son compagnon dansait dans « Starlight Express » écrit par Andrew Lloyd Webber. « David partait en Asie pour une tournée et avant leur dernière répétition, j’ai été invité à faire partie du public. Je me souviens, au premier regard, l’avoir trouvé tellement beau ! J’ai eu un coup de foudre immédiat et je l’ai suivi à Singapour ». 

De notre côté, séduit par les multiples qualités de Peter McPherson, nous allons observer attentivement la suite de sa carrière, que ce soit sur scène ou à l’écran, à Londres ou ailleurs, heureux qu’une telle personnalité vienne embellir le monde du spectacle et du cinéma.  

Philippe Escalier – crédit photos : © PNG PHOTOGRAPHY (Paul Madeley)

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Hadrian Lévêque di Savona

Un peu sur tous les fronts, il était sur la scène de l’Opéra de Metz dans « Titanic » fin 2023 et il joue actuellement le Prince Charmant dans « Blanche-Neige » à la Gaité dans la mise en scène d’Olivier Solivérès. Sa capacité à aborder des rôles très différents est le résultat d’une large formation pluridisciplinaire. Avec ce parisien aux origines bretonne et corse, nous sommes revenus sur un parcours déjà riche et prometteur.

Tout commence pour Hadrian Lévêque di Savona par une licence d’Histoire de l’Art à Paris X avant de suivre des cours chez Jean-Laurent Cochet. Désireux de découvrir l’air du large et de se frotter à d’autres expériences, il s’envole pour les Los Angeles. Là, il prend des cours de théâtre tout en passant des castings et en assistant aux tournages de la série « Heroes » de Tim Kring. Les restrictions d’attribution de la Green Card le ramènent en France. Il s’inscrit à l’ECM, l’École de Comédie Musicale de Paris dont Guillaume Bouchède vient de prendre la direction. Il y travaille à la fois la danse, le chant et le théâtre, un panel d’autant plus complet qu’étant issu d’une famille de musiciens, il maîtrise également le piano, le saxophone et la basse. Le public a pu découvrir ses talents, notamment en 2019 dans « Célestine et la Tour des nuages » spectacle familial qui réinvente avec beaucoup d’imagination la construction de la Tour Eiffel dans le style Steam Punk.

Son physique de danseur (1m86 athlétique) permet à son professeur de danse de l’ECM de lui ouvrir les portes de la figuration à l’Opéra de Paris pour les grands ballets classiques, grâce à quoi, il peut obtenir sa première intermittence et découvrir un univers passionnant. C’est dans ce cadre que l’on pourra le voir dans « Giselle » qui sera donnée en mai 2024 à Garnier.

En même temps que ses expériences, il nous dévoile sa vision exigeante et altruiste du métier : « Comédien, je me sens investi d’une mission : partager, avec le public, bien sûr, mais aussi avec ceux qui sont sur scène avec moi. Dans le but de servir au mieux les auteurs ». Une démarche généreuse qui explique ses activités parallèles comme les cours de chant qu’il donne à l’École Perimony et à l’Association ActeVoix. C’est d’ailleurs là qu’il rencontre Vincent Heden qui sera l’un de ses professeurs et qui, tout récemment, lui propose de reprendre un rôle qu’il a tenu quelques années auparavant. C’est ainsi que le public messin a découvert Hadrian Lévêque di Savona lors des fêtes de fin d’année 2023 à Metz, dans « Titanic » de Peter Stone et Maury Yeston, mis en scène par Paul-Émile Fourny. « C’était une formidable aventure, nous étions 65 sur scène, plus les 35 musiciens, tous âges confondus. Il y a eu une entente collective immédiate qui, pour nous aussi, a rendu ce spectacle unique ». Un répertoire musical de haut niveau dans lequel on le reverra certainement, Hadrian, prenant des cours de chant lyrique dans le but d’aborder plus aisément le monde de l’opérette et de ne jamais cesser de se perfectionner. Autant dire qu’il est prêt aujourd’hui à assumer un rôle majeur à l’écran ou sur scène. L’un de ses rêves serait de donner vie à Don Quichotte, un personnage qui lui parle au plus haut point avec ses aspirations idéalistes confortées par une profonde conscience de la réalité et bien décidé à se battre pour ses idées. Quels que soient les rôles qui lui sont réservés, les mois qui viennent ne manqueront pas de réserver des surprises et de nous donner le plaisir de le revoir sur scène.

Philippe Escalier – Photos © Margaux Rodrigues

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Pauvre Bitos ou le dîner de têtes

 « Pauvre Bitos » de Jean Anouilh en faisant un parallèle entre La Terreur et l’Épuration nous offre une galerie grinçante de personnages esquissée avec un humour au vitriol. Cette pièce surprenante revit grâce à une troupe de comédiens exemplaires qui ravit le public du théâtre Hébertot.

Même avec une décennie de recul sur la Libération, « Pauvre Bitos » était trop dérangeant pour ne pas provoquer, lors de sa création en 1956, des réactions extrêmes. La critique et les politiques s’enflamment. D’un côté, ceux qui ne supportent pas que l’on remette en question la période de la Révolution et de la Libération, de l’autre, ceux qui ne demandent que cela en faisant mine d’oublier que la pièce n’épargne personne. Le public remet les pendules à l’heure en réservant à l’œuvre un accueil enthousiaste. Néanmoins la pièce ne sera reprise qu’en 1967 au théâtre de Paris. Il aura fallu l’énergie et le judicieux entêtement de Francis Lombrail pour donner à ce texte magnifique une nouvelle vie sur la scène de son théâtre. Maxime d’Aboville dont on connait le goût pour l’Histoire et Adrien Melin se sont attelés (et avec quel succès !) à l’adaptation pour en faire un moment théâtral resserré mais toujours d’une superbe intensité, n’ayant rien à envier à la création originale. 

Dans une petite ville de province, André Bitos est devenu substitut du procureur. Au sortir de la guerre, il prononce, sans états d’âme, des condamnations à mort à l’encontre de collaborateurs. Ses anciens camarades de classe issus pour la plupart de l’aristocratie, n’ont jamais supporté ce fort en thème, collectionnant les diplômes, venu d’un milieu très modeste, introverti, étriqué, engoncé dans ses certitudes, dissimulé derrière le paravent de sa réussite professionnelle. Désireux de lui faire payer son parcours et ses actes qu’ils réprouvent, ces conservateurs organisent un diner de têtes autour de cette Révolution Française qui en a fait tomber tant. André Bitos devra jouer le rôle de Robespierre, à qui il ressemble par bien des aspects. Un jeu surprenant et cruel va se mettre en place.

Avec la plume de celui qui a toujours magnifiquement écrit pour le théâtre, Jean Anouilh avec « Pauvre Bitos » nous livre une pièce d’une incroyable subtilité. Sans a priori, il fait le procès des excès de la Révolution et de l’Épuration, en décrivant si bien tout ce que les hommes de pouvoir peuvent avoir d’intransigeant, de petit et de cynique. Anouilh était inclassable. Ce n’est pas un bord politique qu’il attaque mais les abus de pouvoir qu’il avait en horreur, commis au nom du peuple qui en fait les frais. Ce faisant, il démontre que les auteurs les moins politiques, libres qu’ils sont de dédaigner les guerres partisanes, sont ceux qui en réalité ont le sens politique le plus affuté. Loin de se mettre au service d’un camp ou d’une idéologie, c’est l’Homme qu’ils entendent défendre. Un noble objectif qui n’exclut pas d’observer la dure réalité du monde sans s’encombrer d’un idéalisme aussi naïf que pesant.

Le public du théâtre Hébertot écoutera ce réquisitoire surprenant, ô combien théâtral, d’une habilité hors du commun, tout en admirant le jeu des comédiens. Dans le rôle-titre, Maxime d’Aboville réalise une performance admirable comme on en voit peu au théâtre. À ses côtés, et dans la lumineuse mise en scène de Thierry Harcourt, encore une fois très inspiré, Etienne Ménard, Adrien Melun, Sybille Montagne, Francis Lombrail, Adel Djemai, Clara Huet en alternance avec Adina Cartianu font merveille. Ils ont réveillé un texte trop longtemps endormi et nous ont offert une leçon de théâtre et une heure trente de bonheur. Que demande le peuple ?!

Philippe Escalier

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C’est pas facile d’être heureux quand on va mal

La nouvelle comédie aigre-douce de Rudy Milstein au Théâtre Lepic nous offre un texte drôle et décapant joué par cinq excellents comédiens qui entrainent le public dans un moment aussi surprenant qu’euphorisant.

Rudy Milstein apporte sur la scène du Théâtre Lepic un démenti aussi formel qu’hilarant au précepte selon lequel on ne peut pas rire de tout. Son humour est iconoclaste, abrasif, sulfureux, il ne s’interdit rien et pourtant, tout passe et rien ne lasse ! Son écriture fait dans la dentèle au point qu’il peut se permettre d’accumuler une série de petites horreurs sans jamais cesser de mettre les rieurs de son côté. Il a l’art de la formule, de la répartie et se livre à d’étourdissantes pirouettes par lesquelles les plus vilains défauts peuvent laisser entrevoir leur part d’humanité. Les cinq personnages pleins de contradictions qu’il nous présente, pour être en colère, soumis, aigris, cyniques, selon les cas et les moments, toujours déprimés en bons parisiens, sont pourtant capables de nous apitoyer, d’autant qu’au bout du compte, les choses finissent, plus ou moins, par s’arranger. Bref, avec Rudy Milstein, rien n’est tout noir, ni tout blanc, tout est drôle et se passe en finesse. Décrire cinq tranches de vie, faire rire tout en déroutant son public sans jamais tomber ni dans la facilité ni dans la vulgarité, voilà qui constitue un bel exploit ! Les surprises ne manquant pas, le public, accueilli en chansons, va découvrir un couple qui ne se supporte plus, un jeune thésard fier de lui et porté sur le sexe, un gay sans grande personnalité qui s’imagine heureux et une baba cool adepte du bio et du yoga qui ne comprend pas comment elle a pu avoir un cancer. Entre eux, les choses sont dites cash, sans détour et sans filtre. Les réparties fusent, tout est inattendu. Sur des thèmes si souvent traités, l’auteur sait faire du neuf et de la plus efficace manière.  Tout ce que vous avez toujours voulu dire à vos amis sans jamais oser le faire pourrait être le sous-titre de ce délicieux spectacle porté par l’auteur, Baya Rehaz, Zoé Bruneau, Erwan Téréné et Nicolas Lumbreras qui signe aussi une mise en scène légère et inventive. Ensemble, ils excellent et font qu’il est facile de sortir heureux d’un tel spectacle !

Philippe Escalier – photo © Alejandro Guerrero

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Le Bar de l’Oriental

Théâtre Montparnasse

La pièce de Jean-Marie Rouart nous offre un moment de théâtre d’une remarquable intensité en nous plongeant dans la guerre d’Indochine à travers un huis-clos qui navigue subtilement entre contexte historique et peinture des sentiments humains.

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Dans une vieille demeure coloniale du Tonkin, cinq personnages se trouvent confrontés à un passé récent venant troubler plus encore les évènements militaires inquiétants qui se déroulent autour d’eux. Cinq personnages avec leurs faiblesses, leurs secrets, leurs désirs et leurs peurs. Au sein d’un pays qui n’est pas le leur, au moment où se dessine la fin de la présence coloniale française, quel chemin vont-ils suivre ? Où se porte leur fidélité, qu’elle soit politique ou amoureuse ? Avec une plume d’une extrême finesse, Jean-Marie Rouart nous conte une belle histoire où les passions s’entrechoquent dans une ambiance qui peut rappeler certains films noirs des années cinquante d’autant que la superbe scénographie d’Emmanuel Charles nous plonge dans des décors aux aspects très cinématographiques, traduisant la beauté si particulière de la péninsule. Un écrin parfait pour faire vivre intensément cette aventure centrée autour du personnage de Dorothée, (Gaëlle Billaut-Danno) une femme forte, ayant choisi d’écouter ses sentiments qui la poussent vers ceux qui se battent pour la libération de leur pays plus que vers son mari, (Valentin de Carbonnières en alternance avec Charles Lelaure) un homme jeune, séduisant mais fragile, qui semble toujours hésiter entre elle et sa sœur (Katia Miran). Un militaire (Pierre Deny) et un policier retors (Pascal Parmentier) contribuent à parfaire cette intrigue où l’intime et l’Histoire sont inextricablement mêlés. Ponctuée en arrière-plan par les délicats moments musicaux de Mai Thành Nam, la mise en scène précise de Géraud Benech nous permet ce voyage dans le temps et met en relief le jeu sans faille des comédiens qui expriment si bien les frustrations de leurs personnages prenant, dans ces moments aux allures de fin de règne, le chemin de la radicalité. Derrière les destins personnels, l’auteur a voulu jeter sur cette période un regard attentionné, dénué de tout parti pris. Avec le raffinement qu’autorise un style parfaitement maîtrisé, il décrit les replis de l’âme humaine emportée sur le fleuve agité de l’Histoire et embarque le spectateur dans un monde aussi trouble que passionnant.  

Philippe Escalier

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Je m’appelle Asher Lev

Cette remarquable pièce de Aaron Posner d’après le roman de Chaim Potok, sur le dépassement de soi et l’irrésistible accomplissement d’un exceptionnel destin d’artiste dans un milieu religieux contraignant, est portée au Théâtre des Béliers par trois magnifiques comédiens.  

Au théâtre, comme au cinéma, les anglo-saxons ont l’art du récit. La pièce d’Aaron Posner en est une belle illustration, avec cette facilité à construire une histoire, toute en finesse. Aucun effet de style, tout est pur, tout est limpide et pourtant l’essentiel et l’émotion sont au rendez-vous dans ce qui est une parfaite description d’un individu aux prises avec ses contradictions entre ses aspirations profondes et son milieu familial.

Asher Lev nous plonge dans une famille juive orthodoxe de Brooklyn après-guerre. Le religieux est son centre de gravité, sa raison d’être. Autant dire que lorsque, très tôt, les qualités hors normes de dessinateur d’Asher Lev apparaissent, son père est plutôt catastrophé par ce qui lui semble être une manifestation du malin.  Respectueux de sa famille et de ses traditions, l’enfant puis l’adolescent se trouve face à un dilemme : va-t-il obéir à sa passion dévorante ou respecter les traditions ? Ce combat intérieur sera livré dans un milieu qui ne connait pas la violence, mais qui est tout de même particulièrement oppressant et obtus. Le débat autour de la question : « pourquoi dessines-tu des femmes nues ?» est un moment délicieux où l’incompréhension du père génère des réactions cocasses. Le balancement entre le tremblement de terre qui secoue le cercle familial et la drôlerie qui par moment, en résulte, est l’une des grandes qualités de cette pièce qui sait, en outre, si bien parler de la mission de l’Art et de la responsabilité de l’artiste. Tenu en haleine par un discours léger, tellement subtil, le spectateur se laisse embarquer dans cette histoire captivante d’un bout à l’autre. Il ne se passe rien de grave, et pourtant c’est un drame d’incompréhension qui se joue entre ce fils artiste et son père qui ne voit dans sa réussite que trahison et démission face aux exigences d’un judaïsme intégriste. Dans l’irréprochable adaptation et mise en scène de Hannah-Jazz Mertens, les trois comédiens sont en osmose parfaite avec le texte et jouent avec une délicatesse peu commune. Guillaume Bouchède est exemplaire dans l’incarnation de ses quatre personnages, dont celui du père, tout comme Stéphanie Caillol, magistrale en mère aimante mais toujours un peu en retrait. Benoît Chauvin pour sa part, (en alternance avec Martin Karmann), s’épanouit dans le rôle-titre, depuis la petite enfance jusqu’au succès final, tout juste atténué par l’éternel désarroi paternel, consterné de devoir dire que son fils est peintre ! C’est peu dire que cette pièce nous parle et tout est réuni aux Béliers pour la découverte réjouissante d’un texte construit autour du combat pour l’émancipation au service de l’Art.

Philippe Escalier

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Éléonore Arnaud et Valérian Béhar-Bonnet

Ces deux jeunes comédiens au parcours déjà riche sont à l’affiche du théâtre de la Huchette avec « Cookie », spectacle plébiscité par la critique et le public. L’occasion de revenir avec eux sur leur parcours marqué par le talent et la passion.

Éléonore Arnaud sort du Conservatoire en 2014. Son premier projet sera « La Discrète amoureuse » de Félix Lope de Vega que Justine Heynemann adapte (avec Benjamin Pénamaria) et monte au Théâtre 13, dans un rôle qui lui vaudra une nomination aux Molières. Beaux débuts ! Dans la foulée, elle intègre la compagnie « Le Birgit Ensemble », dirigée par Julie Bertin et Jade Herbulot et constituée d’une partie de sa promotion du CNSAD. Ensemble ils créent des spectacles politiques dont « Berliner Mauer : vestiges », « Memories Of Sarajevo », « Dans les ruines d’Athènes » et « Roman (s) national » autour de la Vème République. « Le Birgit Ensemble » aime aussi à se transformer en cabaret politique consacré à la politique française et européenne avec des chansons écrites par avec des chansons écrites par le parolier Romain Maron et mises en musique par le compositeur Grégoire Letouvet. Le « Birgit Kabarett » se produira au printemps, notamment au Rond-Point et au Théâtre de Chatillon (infos sur : : https://lesindependances.com/fr/projects/birgit-kabarett).

Éléonore Arnaud fait partie, depuis 2011, du « Collectif 49701 », créé par Clara Hédouin et Jade Herbulot lors de leur rencontre au Studio d’Asnières, avec lequel elle adapte (et modernise) le roman « Les Trois Mousquetaires » en série théâtrale. Le roman est découpé en 6 parties, 6 saisons, soit 19 épisodes qui se jouent en extérieur uniquement, avec la ville comme décor. Un spectacle itinérant donc, à découvrir un peu partout en France… (infos sur leur site : http://collectif49701.fr/evenements/ )La série théâtrale est d’ailleurs elle-même adaptée pour la TV et est disponible gratuitement sur ce lien : https://www.france.tv/spectacles-et-culture/theatre-et-danse/les-trois-mousquetaires-la-serie/ 

L’idée du spectacle « Cookie » germe en 2017. Justine Heynemann appelle Éléonore Arnaud pour lui dire qu’elle a découvert, un peu par hasard, un roman autobiographique, traduit en français signé Cookie Mueller, une américaine libertaire, ayant vécu une vie assez rock’n’roll, et qu’elle serait parfaite pour incarner cette femme haute en couleurs. Ne restait plus qu’à trouver le biais pour l’adapter au théâtre. Justine et Éléonore se mettent toutes deux à la tâche et très vite s’impose l’idée d’utiliser la musique live pour recréer une ambiance de show à l’américaine, avec une bande son vivante, présente, vibrante, LIVE.

C’est là qu’intervient Valérian Béhar-Bonnet qui se charge de la création musicale, de l’accompagnement instrumental et de l’interprétation de différents personnages secondaires. Parfait pour le jeune comédien, lui aussi artiste dans l’âme, qui a toujours aimé chanter.

Liberté est l’un des mots que l’on doit associer à son parcours. Il débute le piano à huit ans, avant de se mettre à la guitare à 12 et de faire beaucoup de théâtre au moment du lycée. Après son bac, il est repéré par une compagnie de La Rochelle, qui l’engage comme comédien ainsi que comme professeur pour les élèves amateurs. Il apprend le métier pendant trois ans puis, désireux de profiter de la vie, sans rien vouloir planifier, après le bac, il part en vadrouille avec sa guitare en Amérique du Nord et du Sud. À son retour l’envie de reprendre le théâtre s’impose à lui. Valérian Béhar-Bonnet s’inscrit alors aux cours de Jean-Laurent Cochet où il rencontre les membres de sa compagnie « Les Mauvais Élèves », une joyeuse bande de jeunes comédiens désireux de revivifier le spectacle vivant en reprenant des classiques avec beaucoup de contre-emplois, comme dans leur cinquième spectacle, « Les amoureux de Molière » joué à Avignon et en tournée.

Avant « Cookie », Valérian Béhar-Bonnet a rencontré Justine Heynemann dans « Songe à la douceur », adaptation d’un roman de Clémentine Beauvais, transposition contemporaine de « Eugène Onéguine » de Pouchkine. Cette pièce, où il interprète Vladimir Lenski, lui permet à nouveau de mobiliser l’ensemble de ses talents mais aussi d’apprendre à jouer de la batterie. En 2023, il monte un opéra avec « Les Mauvais Élèves », dans un style un peu décalé qu’il affectionne, une « Cendrillon » de Jules Massenet, avec au plateau 60 élèves du conservatoire de la ville de Versailles.

Comme acteur et compositeur de la bande son, il est à l’affiche en 2022 du film de Loïc Paillard, « Les lendemains de veille ».  

De cette formation et de cette aptitude à pouvoir faire presque tout sur scène, il garde le goût des spectacles pluridisciplinaires comportant de la musique, de la danse et du chant. On en veut pour preuve sa participation à la reprise à la Cartoucherie du « Misanthrope » joyeusement moderne et subtil de Thomas Le Douarec, très remarqué lors des deux derniers festivals d’Avignon. Il y incarne un Clitandre précieux, évoluant dans un milieu « jet set » un peu décadent. Déclamer des alexandrins tout en jouant sa musique à la guitare électrique, le voilà parfaitement dans son élément !

Pour l’heure, et en attendant de les suivre dans leurs prochaines aventures, nous ne manquerons pas le rendez-vous qu’ils nous donnent sur la scène de La Huchette.

Philippe Escalier

Crédit photo Éléonore Arnaud : © Béatrice Cruveiller / Crédit photo Valérian Béhar-Bonnet : © Nathalie Mazeas

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Un chapeau de paille d’Italie

Avec cette adaptation d’Eugéne Labiche au Lucernaire, la compagnie de l’Éternel Été démontre une nouvelle fois sa capacité à rajeunir les grandes pièces du répertoire. La folie et le comique de ce vaudeville sont nourris par une mise en scène pleine de surprises.

C’est peu dire que ce « chapeau de paille d’Italie » décoiffe. Un chapeau de paille d’Italie et Benoît Gruel l’ont adapté avec un double parti pris : en faire un moment « électro-onirique » et lui donner des allures très modernes, loin des portes qui claques (il n’y a pas de portes !) où l’on pourra constater que l’adulte n’est rien d’autre qu’un grand enfant. Le mariage est-il chose sérieuse ? Faut-il y voir un rêve ou un cauchemar, en particulier quand votre future belle-mère est un « porc-épic » ne rêvant que de rompre cette union ? Adieu le mobilier Second Empire, les spectateurs vont découvrir un décor fait de matelas et d’oreillers (mais rassurez-vous personne ne s’endort, ni sur scène et encore moins dans la salle !) et un texte dépouillé de ses aspects sexistes et racistes pour me laisser place qu’au comique, au rythme endiablé et au génie de la construction de Labiche. Le vaudeville traditionnel est franchement dynamité au profit d’un récit rajeuni et construit à la manière d’un cartoon. Le défi est de taille, mais il est relevé haut la main, notamment grâce au fourmillement d’idées et à une distribution hors pair qui prend visiblement plaisir à cet exercice original, sur vitaminé et très physique. Face à Emmanuel Besnault dans le rôle de Fadinard, le futur marié, Sarah Fuentes est parfaite en belle-mère névrosée, Mélanie Le Duc interprète avec brio la femme adultère tout comme Guillaume Collignon, l’amant très agité et susceptible. Victor Guez (le cousin) complète parfaitement cette troupe qui, durant une heure quinze, vient étonner et ravir les spectateurs du Lucernaire.  

Philippe Escalier – Photo © Philippe Hanula

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Blanche-Neige et les Sept Nains

Avec son dernier spectacle musical jeune public consacré à l’un des plus célèbres contes des Frères Grimm, Olivier Solivérès démontre une nouvelle fois, au Théâtre de la Gaité Montparnasse, sa capacité à écrire et mettre en scène un spectacle réussi, à destination des grands comme des plus petits.

Faire un spectacle très visuel, avec les moyens que nous donne la technologie aujourd’hui, mais sans en abuser, avec une écriture tonique, pleine d’humour, truffée de références (notamment à la chanson) et d’anachronismes hilarants, le tout porté par une excellente troupe, telle est la recette qui a permis à Olivier Solivérès d’être plébiscité par le public et par deux fois nommé aux Molières pour « Le Bossu de Notre-Dame » et « Blanche-Neige ». D’entrée, le ton est donné et avant l’ouverture du rideau, les enfants sont appelés à réagir (ils le feront d’ailleurs abondamment, tout au cours du spectacle) face à une reine qui n’est pas encore apparu mais qui manifeste déjà son cruel despotisme. La résistance s’organise dans la salle qui prend naturellement le parti de la malheureuse princesse et de son vaillant Prince Charmant en leur apportant un constant soutien très sonore.

Le jeu remarquable des comédiens est indispensable pour capter l’attention des enfants et s’assurer de leur participation. Le résultat dépasse les attentes. Marion Belham une magnifique et exubérante reine. Il est bien difficile de résister à ses effets comiques qu’elle partage avec son valet Victor, l’irrésistible et bouillonnant Thomas Langlet. Clara Hesse qui fait d’excellents début dans le rôle-titre, est parfaite en princesse martyrisée avant de s’épanouir en compagnie des sept mineurs lui offrant l’hospitalité. Le sort tragique que la jalouse et narcissique reine lui réservait sera heureusement contrarié par l’amour du jeune prince auquel Hadrian Levêque Di Savona apporte toutes ses qualités de chanteur et d’acteur, à quoi il faut ajouter une belle prestance (son duo de début avec la reine qui voudrait bien en faire son quatre heure est assez piquant). Cette belle distribution ne serait pas complète sans la présence de Alice Fleurey et Léa Grignon très efficaces sous les costumes et masques de nains.

Ce jeu irréprochable vient porter haut de savoureux dialogues à l’humour très efficace à destination des adultes qui ne sont pas les derniers à s’amuser et à rire. « Blanche-Neige et les Sept Nains » est une joyeuse invitation à découvrir le spectacle vivant et à rester de grands enfants dans un monde où tout fini bien. Un tel plaisir ne se refuse pas !

Texte et photos Philippe Escalier

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Alex Ramirès revient avec « Panache »

Après une tournée commencée début novembre, Alex Ramirès joue son nouveau et quatrième spectacle à la Comédie de Paris. Rencontre avec un humoriste qui continue à s’affirmer et à nous séduire.  

Alex, pourquoi une pré-tournée ?

Cela sert à roder le spectacle. J’écris un texte mais c’est avec les spectateurs que se font les ajustements. De plus, je voulais aller à la rencontre de mon public, ce qui m’a permis de faire plusieurs dates à Lyon d’où je suis originaire.

Comment écrivez-vous ?

Dans mon spectacle il y a des sketches centrés autour d’un personnage que j’écris devant mon ordinateur, en parlant à voix haute, c’est pourquoi il est bon pour mon entourage que je m‘isole et du stand-up où j’aborde des thèmes que je teinte d’humour. Je fais des sessions d’une semaine, dans des lieux plutôt agréables, j’en ai fait quatre pour ce spectacle, même si j’ai mis un an pour l’écrire. Ensuite je lis à des personnes de confiance et bien sûr à ma metteuse en scène, Alexandra Bialy qui est une amie proche. On a beaucoup de plaisir à travailler ensemble. 

 « Sensiblement viril » qui marque votre première collaboration avec Alexandra Bialy, a été un énorme succès. Vous parliez de votre homosexualité, très éloignée des clichés. Quel est le sujet de « Panache » ?

Pour moi, chaque spectacle doit avoir une problématique. Dans « Panache » j’aborde le problème de la confiance. Comment trouver le bon équilibre entre l’égocentrisme et le doute, être heureux sans écraser les autres, ce qui me permet de donner vie à des personnages drôles qui sont en représentation et qui se mentent parfois à eux-mêmes. C’est un peu ma recherche : comment s’affirmer mais pas trop pour ne pas être imbuvable, sachant qu’entre confiant et connard, il n’y a que 3 lettres de différence !

Finalement dans « Sensiblement viril » vous vous êtes éloignés des clichés pour y revenir et en rire, plus librement, après avoir affirmé haut et fort qui vous étiez !

Oui, en effet, je d’abord voulu m’assumer en ne me reconnaissant dans aucun cliché et maintenant je peux embrasser un peu plus ce qui me plait vraiment. C’est une démarche faite par choix et non parce qu’on m’y aurait cantonné. Aujourd’hui, je suis ce que j’ai envie d’être : le spectacle commence par un défilé de mode, je travaille avec une costumière de Drag Race France. Le « Panache » c’est assumer un peu de folie. J’avais envie de me rapprocher du côté festif, queer et fabuleux, c’est ce que je fais !

Vous avez rejoint récemment une grande boite de production !

Oui, j’ai la chance de travailler avec Thierry Suc Productions. Je suis allé frapper à leur porte, j’avais envie de les rencontrer. J’aime beaucoup ce qu’ils font, c’est une équipe qui me correspond bien. Je suis ravi de cette nouvelle collaboration.

Que faites-vous pour vous détendre dans les périodes où vous jouez ?

Je vais pas mal à la salle de sport. J’en avais fait un sketch dans le précédent spectacle, je suis devenu ce cliché là (rires) ! L’écriture, les amis et les soirées quand je ne suis pas trop fatigué. J’apprécie aussi de me réfugier dans mon appartement pour faire mes petites bricoles. Cela m’évite de me frotter au monde trop souvent.

Philippe Escalier

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Le Repas des fauves

La pièce de Vahé Katcha, récompensée en 2011 par trois Molières, adaptée et mise en scène par Julien Sibre, revient à l’affiche du Théâtre Hébertot. Ce huis clos, décrivant, dans des moments dramatiques, une cruelle vision de l’âme humaine, est un moment de théâtre d’une rare intensité.

Le romancier et scénariste français d’origine arménienne Vahé Katcha n’a écrit que deux pièces, dont « Le Repas des fauves » en 1960. Depuis de nombreuses années, Julien Sibre s’est intéressé à ce texte, joué pour la première fois en 2009 et plus de 700 fois depuis. Au fil du temps, il a remanié et perfectionné son adaptation pour en faire ce spectacle terriblement dynamique et envoutant.

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Nous sommes au début de l’occupation. Un attentat contre deux officiers allemands, sous les fenêtres d’un appartement où sont rassemblés sept amis pour un anniversaire, va mettre brutalement un terme à la fête. Les nazis ne font pas dans la dentelle et exigent que deux personnes soient livrées en otage pour être exécutées. Faussement magnanime, l’allemand chargé de l’enquête laisse au petit groupe le soin de désigner deux des leurs. L’insupportable et cruel dilemme va alors révéler la véritable personnalité des personnages.

La tension qu’implique ce choix aux conséquences fatales va très vite atteindre des sommets. Faut-il faire un choix ? Comment faire ce choix ? Face à cette situation impossible, les sept convives essaient de trouver une porte de sortie. Ils vont surtout s’entredéchirer autour d’André, le riche industriel (magnifique Thierry Frémont) enrichi par ses ventes d’acier aux allemands, qui joue de son aura pour mener la danse et surtout, sauver sa peau. Dans cette situation dramatique, les masques tombent et toute la faiblesse et la noirceur de l’âme humaine, va se dévoiler. Devant le danger, la bienséance explose dynamitée par des instincts primaires.

Le mérite de Vahé Katcha, outre la peinture précise de ses personnages, est d’avoir magnifiquement su décrire la monstruosité de la situation tout en instillant, tout au long de la pièce, un humour décapant. Les spectateurs rient quand ils n’écoutent pas le texte dans un silence religieux. Dans « Le Repas des fauves » l’auteur a magnifiquement démontré la maitrise de son art de scénariste, avec ce suspens étouffant, ces rebondissements multiples et ces moments où le rire vient désarmer la tension. Devant un texte à l’architecture subtile, parfaitement adapté et joué*, les spectateurs sont littéralement envoutés. Il n’y a pas de meilleur retour critique possible que l’attention rare et absolue des spectateurs portée à ce qui se passe sur scène durant « Le Repas des fauves ».

*Thierry FrémontCyril Aubin, Oliver BouanaBenjamin EgnerJochen HägeleStéphanie HédinJérémy PrévostJulien SibreBarbara TissierSébastien DesjoursAlexis VictorCaroline Victoria selon les soirs.

Philippe Escalier

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Faire un tour sur soi-même

Acrobate, Matthieu Gary fait avec humour une rétrospective de l’histoire du saut périlleux et démontre, sur la scène du Rond-Point de vraies qualités de comédien dans un spectacle foncièrement original.

Tout commence par un visuel s’offrant au regard des spectateurs et leur enjoignant de ne surtout pas tenter de reproduire ce qu’ils vont voir. En attendant que les rangées se remplissent complétement, l’artiste est là, en tee-shirt et pantalon de survêtement, qui arpente la salle. Puis il commence. Il décrit les différents sauts périlleux possibles, raconte avec humour comment, prudent, il a toujours évité les figures pouvant le mettre en péril et de quelle manière son art lui servait de monnaie d’échange dans les bars que tout jeune il fréquentait : un saut contre une pinte ! Le plus recherché et le plus récompensé étant le saut périlleux raté ! On le suit dans son évocation de ses ancêtres acrobates et des diverses figures techniques qui caractérisent sa discipline, on rit à l’évocation de son étrange découverte faite dans une église romane aux conséquences surprenantes. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Les soixante-quinze minutes que nous passons avec lui sont palpitantes et rarement la proximité avec un comédien aura été si grande. L’artiste se paie même le luxe de nous parler de Descartes (le passage est croustillant) ou encore des corps comme expression physique de la lutte des classes. Matthieu Gary, avec un incontestable talent de conteur, aborde des sujets très différents, tous liés à cet art auquel il a consacré sa vie. Si ce n’est les rires qui fusent ou les facéties auxquelles il se livre, l’on pourrait se croire revenu sur les bancs de l’école, suspendu aux lèvres d’un enseignant passionnant dont on ne voudrait rater le cours pour rien au monde. « Faire un tour sur soi-même » nous démontre à quel point la passion peut être contagieuse. C’est dire à quel point faire un tour au Rond-Point est la priorité absolue de cette fin de semaine.

Philippe Escalier – photo © Etienne Charles

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M comme Médée

En s’appuyant sur plusieurs textes écrits autour de Médée, des plus anciens au plus récents, Astrid Bayiha propose à La Cartoucherie, une vision moderne du mythe tout en lui restant fidèle dans une pièce chorale d’une beauté troublante

De Sénèque à Jean Anouilh, en passant par Euripide et Heiner Müller, Astrid Bayiha s’est inspirée des plus grands pour produire son adaptation d’une des plus singulières figures de la mythologie grecque. Loin de présenter un savant travail de compilation, l’autrice a su faire œuvre créatrice en éclairant le drame de différentes manières, montrant combien les mythes grecs étaient les reflets extraordinaires d’une réalité prosaïque. Médée est d’abord et avant tout une femme moderne qui se révolte devant la trahison de l’homme qu’elle aime, pour qui elle a tout quitté et à qui elle a tout donné. Face à cette générosité sans borne, alimentée par un amour excessif, elle a détruit sa propre famille, fuit sa propre terre, le grand Jason s’avère être un petit joueur. On le voit jongler avec les arguments de l’ascenseur social (il veut épouser la fille du roi) et proposer un pacte gagnant-gagnant avec un improbable ménage à trois assorti d’une belle pension alimentaire !

L’on retrouve dans le travail d’Astrid Bayiha les multiples talents de la jeune artiste, à la fois autrice, danseuse, comédienne et chanteuse. Sa Médée (ou devrait-on dire ses Médée ?) est incarnée par trois femmes Fernanda Barth, Jann Beaudry, Daniély Francisque et deux Jason, Josué Ndofusu et Valentin de Carbonnières au milieu desquels trône un coryphée espiègle incarné par Nelson-Rafael Madel. Le jeu subtil des acteurs nous promène de la tragédie à la querelle de couple aux accents presque comiques, ponctué par la douceur d’un magnifique chant créole mené par Swala Emati qui ouvre et clôture la pièce de façon si mélodieuse. Textes, époques, lieux, personnages, langues, cette diversité si joliment assemblée nourrit la beauté d’une pièce polyphonique, forte et pudique, reflet des méandres innombrables et mystérieux de l’âme humaine. « M comme Médée » nous entraine dans un mémorable voyage théâtral entrepris sous la houlette d’une magnifique troupe !

Philippe Escalier – photo © Benny

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Kid Manoir, Le Secret de la Sorcière 

Avec « Le Secret de la Sorcière », troisième chapitre de Kid Manoir, la saga musicale, servie par une belle troupe au Théâtre Hébertot, connait pour son quinzième anniversaire, une cure de jouvence propre à séduire son jeune public.

Abonné au succès, il est devenu inutile de présenter « Kid Manoir ». 300 000 spectateurs, plus de 700 représentations, cinq festivals d’Avignon ont contribué à donner à ce spectacle une notoriété enviable. Pour l’heure, les « petits monstres » sagement installés dans leurs fauteuils à Hébertot vont assister au troisième opus construit autour du personnage de Malicia, interprétée magistralement par Anaïs Delva. La chanteuse, qui, avec « Roméo et Juliette » a débuté en 2009 une belle série de comédies musicales et qui a prêté sa magnifique voix à la version française de « La Reine des neiges », ouvre le bal. Maitresse de cérémonie, propriétaire du manoir, elle met d’entrée de jeu le jeune public dans sa poche grâce à une proximité et une complicité qui font mouche. Particulièrement drôle dans son rôle de jeune femme superficielle et obsédée par son apparence, la chanteuse trouve en face d’elle quatre personnages qu’elle va soumettre à une série d’épreuves. En premier lieu, le jeune et beau Roméo, garçon au cœur pur (Martin Renwick faisant dans le musical des débuts prometteurs) qui accepte difficilement d’être son chouchou. Viennent ensuite Gwendy, sorte de Barbie plus futée qu’il n’y parait (Maïssane Bakir toujours très convaincante), à l’opposé de Jonquille, gothique solitaire toute de noir vêtue (excellente Floriane Ferreira), et enfin un geek quelque peu déjanté incarné avec une bien belle énergie par Thibaut Marion. Ce beau quatuor, mis en scène par David Rozen qui a eu la bonne idée d’instiller des touches de magie, se complète avec les deux sorcières ennemies interprétées par Kaïna Blada et Lucie Riedinger.

Les costumes, les décors (très Halloween), les dialogues (parfois un petit peu longs mais souvent drôles) et les musiques de Fred Colas font de cet épisode de « Kid Manoir » une beau moment festif qui meublera agréablement les périodes de repos de nos chères têtes blondes. La chaleureuse séance photo avec les acteurs proposée en sortie de salle démontre, si besoin était, que le jeune public a su apprécier le show et les artistes. Voilà de quoi leur donner l’envie et le goût de revenir régulièrement hanter les théâtres !

Texte et photo : Philippe Escalier

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Guignol

À la Gaité Montparnasse, le spectacle « Guignol », imaginé et mis en musique par Sorel, redonne vie à la marionnette mythique et se révèle être une réussite musicale et théâtrale propre à enchanter tous les publics.

Le personnage de Guignol, créé au début du XIXe par le lyonnais Laurent Mourguet, ancré dans l’imagerie populaire comme la marionnette nationale, a fait la joie de générations d’enfants. Il connait actuellement sur scène une résurrection musicale éclatante. Sorel, entouré par le librettiste Anthony Michineau et le metteur en scène Ned Grujic, sont les artisans de cette renaissance. Pour cela, ils ont imaginé donner chair à Guignol, Gnafron et Madelon. À Lyondres où se passe l’action, les visées cupides de Betty sont sur le point de mettre à bas le théâtre de nos trois marionnettes. Il y a péril en la demeure : pas d’autre choix que de recourir à une formule magique (aux conséquences risquées) leur permettant de se transformer en humains et de prendre en mains leur destin. 

© Philippe Frétault

Sorel, dont les succès ne se comptent plus (« Mozart », « Le Roi Soleil » ou « 1789 » pour n’en citer que quelques-uns) leur a concocté un univers musical avec des sonorités pouvant faire penser parfois aux sixties, mais suffisamment riche et original pour se situer hors du temps. Un régal pour nos oreilles qui fait que l’on se surprend à sortir du théâtre en sifflotant les thèmes principaux. Sur ces mélodieuses fondations, le livret s’épanouit et, aussi simple qu’efficace, parvient à être drôle et intelligent, simple et subtil à la fois, audible par tous les âges. Il ne manquait plus que six excellents comédiens-chanteurs pour servir avec énergie et délicatesse ce dessert savoureux et léger. Simon Draï en incarnant un Guignol jeune et frais confirme de vraies dispositions pour la comédie musicale, tout comme ses partenaires, Aurore Blineau (souriante Madelon) et Victor Bourigault (Gnafron). Tous trois sont soutenus par les belles prestations de Vincent Gillieron dont on connait l’incroyable présence sur scène, de Margaux Lloret qui nous offre une délicieuse Betty, une véritable peste dont on ne se lasse pas et de Lucie Mantez qui met son talent au service d’Émilie, amoureuse de Guignol. Ces six merveilleux acteurs capables de se changer presque aussi vite qu’Arturo Brachetti, incarnent 15 personnages, qui, pour notre plus grand plaisir, nourrissent les rebondissements du scenario, rendu plus vivant encore par un étonnant mapping vidéo, très coloré à l’image de tout le spectacle. Au final, l’espace d’un moment, les adultes se sentiront peut-être un peu coupables d’avoir pris au moins autant de plaisir que leur progéniture. Autant dire que la transformation de ces célèbres personnages de bois ne laissera personne de marbre !

Philippe Escalier

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John Cameron Mitchell

Après son succès lors du dernier festival d’Avignon, « Hedwig and the Angry Inch » fait sa 1ère le 18 septembre au Café de la Danse. L’évènement sera marqué par la présence du créateur, John Cameron Mitchell que nous avons eu le plaisir de rencontrer pour parler de ce musical culte (et queer) mais aussi de ses films et de son goût pour la défense des valeurs humanistes

John, vous avez écrit Hedwig et Stephen Trask en a composé la musique. Comment avez-vous travaillé ensemble ?

Le personnage principal au début était supposé être Tommy qui me ressemblait beaucoup. Il était obsédé par l’idée de trouver son autre moitié, Jésus, sa mère, la baby-sitter ?! Stephen Trask m’a encouragé à me concentrer davantage sur Hedwig, inspiré par Elga, la baby-sitter de mon frère, qui avait la particularité d’être divorcée et accessoirement prostituée. En parallèle, Stephen m’a parlé d’un drag club où l’on pourrait donner des shows avec notre musical mais pour cela il fallait que je puisse me transformer en drag. C’est comme ça que j’ai commencé à jouer le rôle d’Hedwig et que son personnage s’est révélé de plus en plus intéressant pour moi. Stephen lui, est vraiment devenu dramaturge, participant pleinement à la création de ce spectacle. Le travail que nous avons fait ensemble sur la musique a été très facile puisque nous avions les mêmes idoles : Lou Reed, John Lennon, David Bowie, Patty Smith, Yoko Ono. Si le personnage est très spécifique, la musique elle, est très variée avec de la country music, du glam rock, de la chanson. Stephen Trask a réussi à agglomérer Platon (qui dans « Le Banquet » développe le mythe de l’androgyne), ma propre vie (enfant de militaire ayant grandi dans différents pays d’Europe) et l’aspect gnostique (d’où vient le nom de Tommy Gnosis). Ce que j’aime beaucoup avec Hedwig, c’est tout le processus, la comédie musicale, le film, l’album. C’est toujours différent, cela ne s’arrête jamais et je suis très attaché aussi à l’idée de ne pas contrôler les productions et de les laisser entièrement libres.

À ce propos, êtes-vous surpris par les différentes façons d’adapter Hedwig selon les pays ?

Chaque pays a sa façon d’interpréter l’œuvre. En Corée par exemple, ils vont moins insister sur l’aspect queer et la sexualité pour davantage focaliser sur l’histoire d’amour et le mythe de Platon. C’est un pays divisé à qui le mur de Berlin parle beaucoup. Ils sont plutôt dans l’idée de trouver son autre moitié, une quête qui existe dans tous les imaginaires. Sur cette notion de partenaire et de genre, je voudrais souligner que l’on constate à la fin du show, la capacité d’Hedwig de se « réparer » non plus à travers Tommy, mais en puisant dans ses propres forces sans avoir besoin de ses robes, de ses perruques ni de nourrir un côté vengeur. Il s’agit pour elle de devenir une personne à part entière capable de dire : « Je suis ainsi, vous m’acceptez ou pas, je ne change plus !». Je me suis aperçu que les gens pouvaient s’identifier à ces situations là, ce qui m’a rendu très heureux !

Hedwig a 25 ans et reste pourtant étonnamment moderne !

En effet, mais cela est dû au fait que les questions d’identité et de genre sont intemporelles et se retrouvent à toutes les époques. Dernièrement, c’est devenu plus important encore, les gens étant très attachés à leur liberté de choix. Face à cela, on voit la montée des fascismes qui veulent simplifier ces questions en mettant les gens dans des cases très spécifiques afin de pouvoir mieux les contrôler. Or, en réalité, nous sommes tous des personnes uniques avec nos histoires particulières. L’important étant de conjuguer cette liberté d’être nous-mêmes avec le fait de se montrer attentifs et respectueux.

Hedwig mis à part, de quoi êtes-vous le plus fier ?

Je suis très fier de « Shortbus ». J’ai commencé ma vie comme catholique effrayé par la sexualité. J’ai évolué. Être gay était culturellement important pour moi, j’ai fait mon coming-out en 1985, pendant la montée du Sida, dans un climat de haine. Politiquement nous étions très stigmatisés, Reagan et Bush nous ont laissé mourir, avec cette notion de : « Vous méritez de mourir, on ne va pas s’occuper de vous » ! On pouvait constater tout ce que les gens étaient capables de faire pour se séparer des autres. « Shortbus » est à l’opposé de cela avec cette façon d’utiliser le sexe pour nous rassembler. La remarque « Hedwig a changé ma vie » je l’ai souvent entendu aussi à propos de « Shortbus ». Le sexe ce n’est pas forcément du porno, ni un film dépressif français, cela peut être quelque chose d’autre. L’effet « Shortbus » dure dans le temps et j’aime beaucoup cela. La France fait partie des pays ayant le mieux accueilli le film, probablement plus qu’Hedwig, peut-être parce que vous êtes moins connectés au rock’n roll que les États-Unis.

Au cinéma, vous avez pu travailler à deux reprises avec Nicole Kidman. Que pouvez-vous dire au sujet de cette collaboration ?

Cette collaboration est intéressante et surprenante parce que Hollywood a tendance, pour lancer de nouveaux projets, à engager des réalisateurs et des acteurs ayant fait des choses très similaires. Nicole Kidman avait vu « Shortbus », elle avait réussi à percevoir dans l’esprit du film ce qui pourrait fonctionner avec « Rabbit Hole ». Elle a fait ce choix courageux (elle venait juste d’avoir un enfant) avec l’envie de faire des choses différentes. Elle m’a fait confiance pour la guider dans cette histoire de parents qui perdent un enfant, même si cela s’est avéré difficile pour moi, les producteurs étant restés très présents sur le tournage. Un peu plus tard, elle a aussi interprété un rôle très fun pouvant faire penser à Vivienne Westwood, dans mon dernier film présenté à Cannes en 2017 « How to Talk to Girls at Parties ».

Vous vivez aux USA. Comment ressentez-vous le climat politique actuel ?

Je vis en effet à la Nouvelle-Orléans. La politique c’est un peu un cauchemar mais on a tous nos cauchemars, vous avez Marine Lepen même si ce n’est pas tout à fait la même chose que Trump. Mais ce sont toujours les mêmes vieilles histoires de stigmatisation que l’on doit affronter, contre tout ce qui s’éloigne de la norme, les gens de couleurs, les LGBT, les femmes et le droit à l’avortement ! J’ai grandi dans l’armée et l’armée américaine est plus ouverte à la diversité du simple fait qu’elle est composée de cultures différentes, et ce, même si l’on y trouve du racisme et de l’homophobie. Il n’en reste pas moins que sous divers aspects, elle est plus sociale que les États-Unis avec un système de santé qui est bien meilleur et cette possibilité d’évoluer avec la promotion au mérite.
Ceci étant dit, pour ma part, je fais en sorte d’être présent pour ma communauté, de faire ma part avec les moyens qui sont les miens. Je pense que l’immigration est vitale pour un pays, à tous points de vue. Et face aux problèmes, parce que nous n’en manquons pas, nous devons chercher des solutions ensemble plutôt que de nous replier sur de surréalistes questions d’identité !

Philippe Escalier Photo © Matthew Placek

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Alexis Moncorgé flamboyant dans « Eldorado 1528 »

Au Petit Montparnasse

Dans « Eldorado 1528 », son premier texte, Alexis Moncorgé raconte l’histoire pétrie d’humanité d’un conquistador recueilli et adopté par les amérindiens, contrepoint salvateur à la sanglante colonisation espagnole. L’interprétation magistrale qu’il en donne fait de ce spectacle un moment unique, l’un des temps forts de cette rentrée théâtrale.

Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. Le texte d’Alexis Moncorgé, captivant, émouvant, revient sur les traces d’Alvar Nuñez Cabeza de Vaca, conquistador ayant véritablement existé, en nous faisant traverser une série de péripéties surprenantes au point de nous donner le sentiment de visionner un film d’aventure. Dans le même temps, sans jamais casser un rythme soutenu, ni tomber dans un récit édulcoré, il se penche sur les méfaits d’une colonisation prédatrice, mettant en avant le contre-exemple d’un main tendue mue par un besoin de partage qui devrait être naturel dans ces moments de rencontres avec une nouvelle civilisation. Pour ce faire, il retrace la vie d’un militaire parti, comme les autres, à la recherche de richesses et qu’un naufrage va laisser isolé et transformé au sein d’une tribu indienne de Floride. Là, il parvient à sauver sa vie et à s’imposer durant des années grâce à ses talents de guérisseur. Porté par de magnifiques lumières et de très belles musiques, Alexis Moncorgé mis en scène par Caroline Darnay, incarne son héros avec une force peu commune, tout en donnant vie à plusieurs autres personnages. La beauté du spectacle réside aussi dans l’équilibre parfait que le comédien est parvenu à atteindre entre ses différentes incarnations, les soubresauts d’une histoire riche en rebondissements et les vertus du conte initiatique et philosophique.
Passionnant d’un bout à l’autre, « Eldorado 1528 » vient nous rappeler de la plus belle des façons, que si, comme le confie son auteur, « l’Histoire a été écrite en lettres de sang par les vainqueurs », elle a aussi été marquée par quelques destins exceptionnels ayant pu, l’espace d’un moment, réconcilier les hommes.

Philippe Escalier

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GANGWOLF Mozart Stand Up

Studio Hébertot

Une approche de Mozart étonnante faite par un pianiste qui marie parfaitement la musique et l’humour. Un moment frais et plein de surprises. On adore !

La courte vie de Mozart est passionnante. Mais ce n’est pas ce qui fait l’intérêt du spectacle écrit par le pianiste François Moschetta et sa femme Camille. L’exploit de ce stand up tout particulier réside dans le regard à la fois très personnel et très original que les deux auteurs posent sur le compositeur. Un récit didactique serait un peu inutile. Une description uniquement musicale manquerait de sel. Il fallait quelque chose de plus décapant ! Pour ce jeune duo doué, la vie de Mozart est avant tout matière à un résumé plein de vie, éminemment moderne, pimenté de savoureux anachronismes nourrissant quelques parallèles avec l’époque que nous vivons. Ce récit est oxygéné et ponctué par des démonstrations musicales courtes mais virtuoses qu’autorise le talent pianistique de François Moschetta. S’il nous régale au clavier, ce musicien se révèle être un acteur, sa présence sur scène fait merveille, l’attention du spectateur est captée dès la première seconde pour ne plus se relâcher. Dans ce spectacle pétillant, subtil, construit pour le public et avec le public, notre artiste se paie le luxe de nous faire danser les premières notes d’un menuet. Rarement l’amour de la musique aura été aussi bien partagé que dans ce show si vivant, si touchant dont on peut parier qu’il aurait reçu l’agrément du facétieux et divin Mozart lui-même.

Philippe Escalier photo © Anne Bied

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Quand je serai grand, je serai Nana Mouskouri

Hymne à la tolérance et à l’amour doublé d’un vibrant plaidoyer en faveur du combat pour l’accomplissement de ses rêves, le remarquable texte de David Lelait-Helo est magnifié au Studio Hebertot par la sincérité et la force du talent de Didier Constant.

Encore enfant, Milou tombe amoureux d’une voix, celle de Nana Mouskouri avant de pouvoir découvrir la personne qui l’envoute. Toute son énergie et ses modestes économies sont placées dans l’adoration de l’artiste, au point d’avoir besoin de l’incarner, entouré de parents qui ne songent jamais à entraver cette étrange passion. C’est à l’école que la férocité des autres enfants le feront sentir différent, sans qu’il comprenne vraiment le sens des injures qu’on lui jette au visage. Patiemment, il collectionne les photos et les disques jusqu’au jour où il peut se rendre à l’Olympia pour assister à son premier concert. Rien n’entravera cette frénétique adoration et son travail à l’école n’aura d’autre but que de faire de lui l’homme éduqué, capable de célébrer librement le culte de sa déesse. Dans cette entreprise, sa grand-mère chérie sera son refuge et son soutien indéfectible.
Le texte de David Lelait-Helo nous permet de suivre cette construction, de partager les espoirs et les émotions de cet enfant que l’on accompagne jusqu’à l’âge adulte. Il nous raconte l’histoire d’un rêve devenu un jour réalité et il n’est pas anodin de savoir que cette incroyable histoire a été vécue et n’est pas le fruit d’une imagination fertile.
Dans un style pur, David Lelait-Helo décrit avec une émouvante précision, l’enfant qu’il a dû être. L’on comprend sa différence, si naturelle, qu’elle met du temps à s’exprimer, sans avoir besoin de se revendiquer. L’on ressent la force d’un amour inconditionnel, à la fois pour une grand-mère aimante et une chanteuse, encore lointaine mais si présente. L’on partage ses joies et ses peines grâce à la subtilité du jeu de Didier Constant que Virginie Lemoine met en scène avec une touchante simplicité et une remarquable efficacité. Ce spectacle envoutant, qui nous parle si bien des rêves et du réel, concentrant la puissance des surprises et la magie des émotions, nous a transporté sur des hauteurs d’où l’on peut apercevoir un monde meilleur.

Philippe EscalierPhoto Chantal Palazon

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Courgette

L’adaptation théâtrale réussie du roman de Gilles Paris permet de découvrir au Tristan Bernard une histoire émouvante portée par cinq merveilleux acteurs.

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Courgette fait partie de ces enfants que la vie n’a pas épargnés. Suite à un grave accident dont il est malencontreusement à l’origine, il se retrouve orphelin et placé dans un centre éducatif spécialisé, en contact avec d’autres jeunes au parcours aussi chaotique que le sien. Paumés, dépourvus de repaires, ils sont en quête de ce qui leur manque le plus, un univers stable et plus encore, l’ersatz d’une famille qui leur permette de se sentir un peu moins marginaux.
Sur cette sombre réalité, Gilles Paris a écrit une histoire qui sait décrire les multiples difficultés de ces jeunes tout en laissant place à l’optimisme. Le côté dramatique du récit se trouve allégé par l’émotion que génère la spontanéité de l’enfance, l’expression des doutes et des peurs mais aussi des ravissements liés aux premiers émois amoureux. Dans ces conditions, le spectateur se laisse bien volontiers embarquer par le formidable travail de Pamela Ravassard. La metteuse en scène démontre une remarquable capacité à donner corps à cette belle aventure. Comme par un coup de baguette magique, elle nous fait changer de lieux, d’ambiance et de personnages. L’adaptation qu’elle signe avec Garlan Le Martelot (qui tient aussi le magnifique rôle titre) permet aux cinq comédiens d’interpréter avec brio onze personnages. Vanessa Cailhol, Florian Choquart, Garlan Le Martelot, Lola Roskis Gingembre et Vincent Viotti donnent le meilleur d’eux-mêmes. L’intensité et la véracité de leur jeu captivent littéralement le spectateur. Ils savent donner le ton, portés par une ambiance très musicale grâce à une batterie trônant au centre de la scène et à quelques instruments. Ainsi illustrée, jouée et rythmée, tout est réuni pour que « Courgette » fasse passer les spectateurs du rire aux larmes. D’évidence, l’énorme succès rencontré durant les deux derniers festivals d’Avignon va se prolonger à Paris, au Tristan Bernard, pour le plus grand bonheur de tous !

Philippe Escalier

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Le Fléau, Mesure pøur Mesure

Dans les jardins du Palais Royal, autour des colonnes de Buren, cette adaptation de « Mesure pour mesure » de Shakespeare signée Léonard Matton nous laisse redécouvrir l’œuvre sous une déclinaison « théâtre immersif ». Les spectateurs déambulent dans ce lieu magique au rythme des différentes scènes à l’intensité impressionnante. Incontestablement le spectacle de cet été parisien !

Après « Helsingør » autour d’Hamlet, donné au Château de Vincennes, Léonard Matton et sa troupe démontrent leur capacité à adapter une nouvelle fois le grand dramaturge anglais dans des lieux historiques et sous une forme aussi vivante qu’originale. « Mesure pour mesure » étant une tragicomédie autour du pouvoir, elle ne pouvait trouver meilleur endroit que le Palais Royal pour y être représentée. Dans ce bel espace, le spectateur peut visionner l’ensemble des scènes, décidant d’observer et d’écouter tantôt ici et tantôt là. Les déplacements des comédiens et du public avec eux, permettent de construire les différents moments du spectacle tout en l’oxygénant. Autour des grands thèmes qui façonnent la pièce, le pouvoir, le vice, l’amour, la trahison, la justice, Léonard Matton a su dégager l’essentiel de l’œuvre pour nous en donner, à travers une série de rebondissements, une vision aussi précise que jouissive. Si l’ensemble de la compagnie Emersiøn* est irréprochable et parvient avec une facilité déconcertante à subjuguer le spectateur pendant 1h 45 sans faiblir, deux jeunes comédiens subliment les deux principaux rôles. Marjorie Dubus, Isabelle, la pureté incarnée et Thomas Gendronneau, Angelo, prêt à toutes compromissions pour assouvir ses sens, donnent à leurs personnages une force, un relief, une incarnation qui laissent pantois. Si l’on ajoute la magnifique scénographie, la musique, les costumes, les multiples visions de la pièce offertes par ce spectacle à 360°, l’on comprendra la concentration étonnante et la jubilation des spectateurs, visiblement conscient de participer à un moment théâtral très particulier et pour tout dire, exceptionnel !

Philippe Escalier – Photos © Olivia Bonnamour & © Matthieu Camille Colin

*Mathias Marty, Jacques Poix-Terrier, Roch-Antoine Albaladéjo, Zazie Delem, Jérôme Ragon, Maxime Chartier, Justine Marçais, Camille Delpech, David Legras, Laurent Labruyère, Drys Penthier, Jean-Loup Horwitz et Dominique Bastien.

Palais Royal : 17, 18, 19, 20, 23, 24, 25, 26 et 27 août 2023 à 20 h – À noter une nocturne exceptionnelle le 26 août à 22 h 30

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My Dear F***ing Prince*

L’adaptation à l’image du roman à succès de Casey McQuiston signée Matthew López et diffusée sur Prime Vidéo depuis le 11 août 2023, permet de découvrir une belle romance gay assumée, portée par deux magnifiques acteurs où les inévitables tiraillements n’excluent pas une vision optimiste et résolument tonique. Le premier conte de fées moderne LGBT dont on rêvait !

Si le film au sujet osé (un couple gay à Buckingham Palace) commence et se termine par une scène hautement improbable, mais après tout n’est ce pas la loi du genre? il va s’orienter très vite vers une belle romance dans laquelle les deux personnages principaux sont croqués avec une précision touchante, agrémentée par un jeu d’acteurs remarquables. Nicholas Galitzine (qui n’en est pas à son premier rôle de Prince Charmant !) est parfait comme à son habitude, Taylor Zakhar Perez que l’on imagine parfois un peu cabotin, conscient de l’impact de son sourire et de son physique, est irréprochable, avec une palette de jeu incroyablement riche. Les scènes intimistes entre ces deux adultes qui ont parfois des attitudes d’adolescents idéalistes, sont parfaitement réussies et feront battre les cœurs et couler quelques larmes. Ceux qui pensent qu’une histoire d’amour ne peut avoir lieu qu’entre un homme et une femme feront un peu la moue et parleront de longueurs. De longueurs ici on serait bien en peine d’en trouver et l’on peut revoir le film dès le lendemain sans s’ennuyer une seule seconde. L’on saluera ce roman et cette adaptation d’autant plus volontiers que l’homosexualité est représentée, sans pathos, sans drame, sans femme alibi venue séduire l’un des amoureux pour réconforter la bonne morale ambiante, elle y est dépeinte tout naturellement en somme, et cela fait un bien fou. Cette belle histoire d’amour qui va séduire des millions de gens permettra, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, à toute une génération LGBT de s’identifier fièrement. Bref le film de Matthew López est un petit bijou terriblement réconfortant.

Philippe Escalier (dédicace spéciale à Marvin L.)

*Red White & Royal Blue for English speakers countries

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Narcisse, auteur et interprète du spectacle musical « Humains »

Créé au théâtre de Benno Besson à Yerson, « Humains » le nouveau spectacle de Narcisse a été présenté au public français lors du Festival OFF d’Avignon 2023 où il a d’entrée, rencontré un véritable succès. Nous revenons avec lui sur cette dernière expérience avignonnaise qui plébiscite le travail original et subtil d’un artiste qui ne laisse personne indifférent.

Narcisse, c’est votre 5eme Avignon et « Humains » est votre spectacle le plus abouti. Combien de temps pour le mettre en place ?
Ce spectacle m’a mobilisé pendant deux ans dont plusieurs mois de lectures intenses d’historiens, de biologistes, d’astrophysiciens qui racontaient l’histoire de l’humanité selon leur point de vue. Après l’écriture du texte, il y a eu celle des musiques et des vidéos car j’aime bien tout faire et proposer un objet qui regroupe un ensemble de disciplines artistiques comme la musique, la vidéo, la poésie ou la danse.

Comment s’est passé le travail avec les scientifiques, en sachant que le résultat final est quelque chose à la fois de très condensé et de très léger ?
Oui, je ne fais pas une conférence. Quand mon texte a été terminé, je l’ai fait lire à Mme Carine Ayélé Durand, directrice du musée d’ethnographie de Genève. Elle est anthropologue, elle avait l’expertise nécessaire et d’autre part, c’est important, cette femme d’origine africaine a pu m’apporter une vision moins ethnocentrée que la mienne. Elle a eu la gentillesse de me faire des retours très précis qui m’ont permis d’affiner le texte. Je lui dois beaucoup. Sur le plan musical, apparait dans mon spectacle, Vincent Zanetti, grand spécialiste des percussions africaines. L’étendue de ses connaissances m’a été très utile.

Dans « Humains » nous retrouvons votre marque de fabrique à savoir les nouvelles technologies !
J’ai toujours inclus de la technologie dans mes spectacles. En 2014, le spectacle s’arrêtait sur scène et continuait sur le téléphone des spectateurs. Dans « Toi, tu te tais » j’ai travaillé avec des téléviseurs. Pour moi, l’étape suivante, c’était les hologrammes. Je suis allé à Paris voir trois entreprises spécialisées et j’ai vu que c’était abordable pour moi qui fais des spectacles à petit budget et qui aime le côté artisanal. Et puis, il y avait cette idée dans le spectacle de dire que la force de l’humanité c’est sa capacité à travailler ensemble, à additionner des compétences, pour faire du nouveau. Je ne pouvais pas avoir 21 artistes avec moi sur scène, ce que permettent les hologrammes, une technologie mise au service du propos et qui permet de montrer ce que les mots ne peuvent pas toujours dire.

On pourrait voir un paradoxe dans le fait qu’il y a toujours de la technologie dans vos spectacles et qu’en même temps, cette technologie est responsable de ce que vous dénoncez !
Exactement, et j’ai toujours fait ça ! J’ai toujours eu un regard assez critique sur la technologie tout en l’utilisant au maximum. Mais j’aime bien mettre le doigt sur ce qu’elle peut nous apporter de positif. En grand connaisseur, Michel Serres, que je cite dans le spectacle, disait : « Par téléphone portable nos enfants accèdent à toutes les personnes, par GPS, à tous lieux, et par le web à tout le savoir ». Un petit objet dans notre poche nous permet d’avoir accès à tout. En même temps on peut aussi l’utiliser pour des choses totalement futiles. Mais il n’existe aucune technologie qui soit unilatéralement bonne ou mauvaise. J’ai voulu m’intéresser au côté positif. Ce regard optimiste fait que les gens viennent me dire que ce spectacle leur fait du bien. C’est ce que je voulais faire sans pour autant tomber dans quelque chose de bien-pensant ou de niais. Je voulais prendre de la distance, avoir un regard critique et préciser que si l’humain ne réussit pas tout, il est capable de faire bien ! C’est de cela que je veux parler et le public le comprend parfaitement. On a besoin d’être un peu réconcilié avec l’humanité. Autour de moi, certains se sont demandé, avant la création du spectacle, si c’était le moment de parler de ce que l’humanité faisait de beau alors que tout allait si mal. Mais allons-nous si mal que ça ? Malgré nos difficultés, ne sommes-nous pas mieux qu’au cours du XXe siècle traversé de tragédies en tous genres ? Je crois que nous sommes conditionnés pour avoir un regard négatif sur nous-mêmes. Or nous résoudrons plus facilement nos problèmes en disant : « Nous sommes capables de faire juste, faisons-le ! ».

Il ne nous reste plus qu’à avoir une culture de l’effort à un moment où l’on veut que tout soit simple et rapide !
C’est une des difficultés en effet. Nous sommes dans la culture de l’immédiat, y compris dans les plus hautes sphères et c’est ce qui me gêne. Cet attrait pour les solutions rapides est un véritable handicap. Cela pourrait être le thème d’un prochain spectacle. Mais j’avais quand même envie de dire que nous sommes capables de nous en sortir, tous ensemble, pas seulement une petite minorité de gens très aisés.

Etes-vous mieux accueilli en France qu’en Suisse ?
Oui, et c’est bien que nous en parlions car cela me chagrine. Je joue à Saint-Malo à 2000 kilomètres de chez moi, la salle est pleine alors même qu’en Suisse, les programmateurs me boudent, sans que je sache pourquoi. Avec mes spectacles en France, je vis bien mais ce qui me gêne c’est que les Suisses puissent penser que c’est moi qui les boude. Peut-être qu’avec « Humains » les choses vont changer…

Philippe Escalier – Portrait Narcisse by Lauren Pasche

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La Métamorphose

Stéphanie Slimani, au Théâtre du Rempart à Avignon, propose une vision de l’œuvre de Kafka particulièrement esthétique que Killian Chapput incarne avec une vérité et une force troublantes.

Le chef d’œuvre de Kafka réunit toutes les conditions pour être impossible à adapter. La Métamorphose est surréaliste, allégorique et exige un parti pris puissant afin d’éviter une simple et réductrice mise en images. Stéphanie Slimani a choisi d’incarner le drame de Gregor Samsa, son inaptitude à affronter un monde qui le détruit, en lui donnant une forme quasi chorégraphique. C’est en humanisant le héros qu’elle nous fait toucher son haut degré de déshumanisation. Un simple lit sur lequel une couverture bouge, un pied puis des jambes qui s’en extraient, dés les premiers instants, le drame se noue. Une part est laissée à l’imagination du spectateur et un geste suffit pour l’interroger. Quelle bête va enfin montrer le bout de sa carapace ? Quel mal être s’entête ainsi à se dissimuler ?
Killian Chapput a le corps d’un danseur. Ses gestes rapides et saccadés expriment son trouble, sa démission face au monde. Aérien mais aussi ancré au sol, il nous offre un ballet de l’angoisse, aussi terrifiant qu’agréable à regarder d’autant que la remarquable bande son de Benoît Olive le porte avec légèreté. Parcimonieusement, une voix off se fait entendre, mais si les mots sont rares, l’on comprend tout et rien ne nous échappe. Cette métamorphose est une brillante illustration d’un texte majeur servi par une imagination féconde et un formidable comédien. Ce magnifique travail artistique, pétri d’originalité, permet de saisir toute la richesse et la subtilité d’une œuvre complexe. Un vrai tour de force !

Texte : Philippe Escalierphoto © Van Trojani

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Ceci n’est pas une saucisse !

Dans cette comédie burlesque actuellement jouée au Théâtre Pixel-Bayaf durant le Festival OFF d’Avignon, Alexis Chevalier et Grégoire Roqueplo mis en scène par Thibault Truffert continuent à afficher une belle complicité et un sens du comique aussi original que déroutant.

Laissé sur le bord de la route par l’épidémie de Covid, le comédien Plo n’a comme seule chance que de pourvoir squatter le dernier théâtre où il a joué, dirigé par Guigue. Or ce dernier, devant la fermeture des lieux de culture, en bon comptable, n’entrevoit de salut que dans le porc. Devenir boucher lui semble l’unique débouché, capable de relancer les affaires. Pour cela, il convient de déloger Plo afin de transformer sa chambre en vaste frigo. Voilà qui jette un froid ! La lutte s’engage : qui de la boucherie ou de la culture aura le dernier mot ?
Sur cette intrigue parfaitement loufoque et totalement décalée, les deux artistes ont construits un duel clownesque décapant prétexte à tous les détournements et aux blagues les plus insensées. Leur délire autour de la création est l’occasion de lâcher quelques belles vacheries accompagnées de délires que les maîtres de l’absurde ne renieraient pas. Avec leur art consommé de la comédie, Alexis Chevalier et Grégoire Roqueplo confirment que le loufoque à tendance poétique peut continuer à compter sur eux. Ce dernier opus est, en effet capable de fédérer un large public, à commencer par les végétariens et les amateurs de saucisses !

Texte et photo : Philippe Escalier

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Migraaaants

Le texte de Matéi Visniec décrit la condition des migrants en mêlant la dérision avec la dénonciation. L’impact est d’autant plus fort qu’il est servi à l’Albatros par une jeune troupe talentueuse.

« Migraaaants » est une belle surprise comme le festival OFF d’Avignon sait nous en offrir. La plume de Matéi Visniec est d’autant plus efficace que s’il dénonce avec force, mais sans pathos, l’exploitation éhontée de ces exilés qui ont tout donné pour échapper à leur enfer, il oxygène son texte par des moments très caustiques construits comme des virgules publicitaires hilarantes. Il se trouve que même avec beaucoup d’humour, la charge est rude. La Compagnie Out of Artefact que Caroline Raux a mis en scène avec beaucoup d’imagination (avec trois fois rien, elle fait tout!) donne le meilleur pour incarner, tantôt le requin implacable à la recherche de dons d’organes, tantôt le chef de famille généreux qui veut tout faire pour agrandir son espace et accueillir davantage. En quelques portraits, la condition humaine est là résumée, décrite dans un peu tous ses composantes, du plus abject au plus généreux, en passant par le politique soumis à ses équipes de communication qui travaillent à dire, sans le dire mais tout en le disant.
La petite salle comble de l’Albatros écoute ce texte dans un silence religieux et réserve au final une belle ovation à ces comédiens* qui font là des débuts remarqués. C’est dire que les raisons d’aller voir « Migraaaants » ne manquent pas.

Texte et photo : Philippe Escalier

* »Migraaaants » avec : Josselin Carsin Andréa Colaciuri Hugo Combes Lilou Cortes Inès de la Cot’ Faustine Jallon Nathan Maitre Alvaro Nunes Timéo Ponzio Pyrène Saint-Picq Sophie Schoendorf

https://www.festivaloffavignon.com/programme/2023/migraaaants-s34282/

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Tristan Robin

Ce trentenaire que l’on peut voir actuellement au Théâtre de l’Oeuvre dans « Smile », la pièce deux fois nommée aux Molières de Nicolas Nebot et Dan Menasche qu’il joue aussi au festival d’Avignon 2024 (au Théâtre Actuel), a prouvé qu’il excellait dans de nombreux domaines (il met en scène, toujours pour Avignon 2024, Olivier Ruidavet dans « La Joie » de Charles Pépin). Nous revenons sur un parcours dont la richesse ne manque pas d’étonner et qui préfigure de belles choses à venir.

Tout commence pour lui par une formation en 2004 dans sa région d’origine au Studio Théâtre de Nantes, dirigé à l’époque par Jacques Guillou. À la question de savoir s’il a toujours voulu devenir comédien, l’on s’attendrait bien sûr à une réponse affirmative. Pas si sûr ! Car après cette première formation, Tristan Robin échoue de peu à une autre grande école de théâtre et s’entend dire « qu’il n’est pas assez construit humainement ! ». Son orgueil en prend un coup, la moutarde lui monte au nez, il décide de tout abandonner et de devenir maréchal ferrant. Au début tout va bien mais cela se complique rapidement : n’avoir jamais côtoyé les chevaux rend le contact avec ces animaux un peu difficile. Il frôle un jour la catastrophe : d’un coup de sabot, un cheval défonce un mur et manque de peu de lui percuter le crâne. Cette brave bête un peu soupe au lait lui donne aussitôt l’envie de mettre les voiles et de retourner au théâtre pour y affronter les metteurs en scène les plus exigeants !

Retour au théâtre

Très vite il décroche le rôle titre dans « Roméo et Juliette » mis en scène par Georges Richardeau au Théâtre Universitaire de Nantes (le T.U.) avant de participer à l’aventure « Cabaret » aux Folies Bergère. Il fait partie des barmen du Kit Kat Club que l’on a reconstitué pour immerger les spectateurs dans l’ambiance du spectacle et donc du Berlin des années 30. Il assiste à toutes les représentations, un peu frustré néanmoins de ne pas être sur scène. Un soir, il rencontre Jacques Collard l’adaptateur du show qui lui dit tout de go « Vous n’êtes pas serveur, vous êtes comédien n’est ce pas ? ». L’homme du tout Paris, qui est avant tout un homme de spectacle bienveillant, lui ouvre de nouvelles perspectives et il n’en faut pas plus pour remettre Tristan Robin en selle et lui donner le désir de terminer sa formation. Belle revanche, il réussit le concours et intègre le TNBA de Bordeaux entre 2007 et 2011, moment où il reçoit un appel de Jacques Collard lui annonçant que « Cabaret » de Sam Mendes se remonte au Théâtre Marigny et lui conseillant de venir participer aux auditions. Il suit le conseil et le voilà en charge du rôle de Bobby que jouait Dan Menasche dans la version précédente, Dan avec qui Tristan alterne actuellement dans « Smile ». Dans la foulée, il sera recruté pour « Les Amants d’un jour » qui ne se monteront pas suite au scandale provoqué par le départ de la productrice avec la caisse. Les artistes, certains de jouer, ayant refusé toutes autres propositions, subissent la double peine : spectacle annulé et une année blanche à venir.

Londres, nous voilà !

C’est le moment que choisit Tristan Robin pour partir à Londres où il passe quatre années. À son arrivée, s’il est sans travail, il connait pourtant quelques bons moments comme quand il décide de prendre sa guitare, de se poser et de jouer dans une rue passante, « avec une peur de fou ! ». Il confie : « Les piétons s’arrêtaient et j’ai touché du doigt la magie de ce métier, il n’est nul besoin d’avoir une scène, de vendre des places, il suffit d’être là et d’avoir envie de partager ». Plus tard, les contacts venant, Tristan Robin alternera comme il l’a toujours fait, théâtre, comédie musicale et séries télé. L’un de ses meilleurs souvenirs reste la pièce « In the dead of night » un hommage au film noir dans une mise en scène chorégraphiée de l’auteur, Claudio Macor.

A Paris, sur scène

En 2016, un coup de fil le fait revenir à Paris. Dominique Pitoiset, l’ancien directeur du TNBA lui propose de participer à la reprise de « Cyrano de Bergerac » avec Philippe Torreton à la Porte Saint-Martin pour six mois. Cette belle expérience sera suivie d’une pièce écrite et mise en scène par Mathilda May « Le Banquet » jouée sur deux ans, au Rond-Point d’abord puis au Théâtre de Paris avec deux tournées et 2 Molières à la clé. Dans le même temps, le comédien jouera dans « 2 mensonges & 1 vérité » mis en scène par Jean-Luc Moreau. Dans tous ses rôles, on découvre une belle présence, une étonnante facilité à incarner, à donner vie à des personnages et ce, toujours avec une grande justesse : « Je me sens très à l’aise dans le théâtre physique, j’ai fait des arts martiaux et cette implication du corps me parle beaucoup » précise-t-il. La richesse de ses interprétations qui relève du don est aussi le fruit d’une grande curiosité doublée d’une volonté de continuer sans cesse à perfectionner ses techniques, qu’elles soient vocales ou corporelles, bien certain que, comme il le dit, « s’améliorer est une quête sans fin ».

Dans le domaine musical, il bénéficie d’une véritable antériorité familiale son arrière grand-père étant professeur de violon. Son père, très mélomane, amateur de jazz, demandait à ses enfants, de choisir à 6 ans, un instrument et un sport. Pour lui, ce sera le violon et le judo. Ses deux frères, John et Max, profiteront pleinement de leur formation et trouveront le succès en 2008 en fondant le groupe pop rock electro, « Elephanz ».

Devant la caméra

L’on peut voir Tristan Robin un peu sur tous les fronts : dans des pubs, véritables laboratoires pour réalisateurs qui produisent parfois de très bonnes surprises en faisant preuve d’une d’inventivité remarquable, à la télé dans de nombreuses séries. Il a pu incarner récemment Louis XIV dans « La Guerre des trônes » de Bruno Solo. L’on pourrait citer aussi « Cannes Confidential » de Camille Delamarre, « Les Petits meurtres d’Agatha Christie », les séries britanniques « Transporteur » et « Agent Hamilton ».
Les réalisateurs l’ont remarqué et le font travailler comme Luc Besson dans son « Valerian and the City of a Thousand Planets » où il joue en anglais. Il est actuellement à l’affiche du film de Robin Sykes « Sexygénaires » avec Thierry Lhermitte et Patrick Timsit où il incarne le fils de Marie Bunel. Pour lui, l’aventure cinématographique a commencé avec Volker Schlöndorff qui tournait à Nantes. Pendant qu’il donnait la réplique en allemand, il est repéré par le grand cinéaste qui le fait jouer dans « Diplomatie » mais aussi dans son téléfilm « La Mer à l’aube ».

Pour conclure

Sur un plan plus personnel, c’est en allant voir jouer Claire Pérot, une collègue de travail, qu’il rencontre en 2018, Cécilia Cara avec laquelle il partage un véritable coup de foudre. Cécilia fait actuellement une brillante tournée de quatre mois en Chine avec « Roméo et Juliette » dans le rôle titre qu’elle a créé en 1999. Une absence rendue moins pesante par la participation de Tristan Robin à « Smile » au Théâtre de l’œuvre où il convient d’aller le découvrir jusque fin juillet, non sans s’amuser du titre de cette pièce qui colle si bien à ce comédien doué, connu pour avoir un irrésistible sourire !

Philippe Escalier

https://www.theatredeloeuvre.com/smile/

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Smile

Cette pièce en noir et blanc de Nicolas Nebot et Dan Menasche, d’une folle originalité, à la narration étonnante, après son succès à La Nouvelle Eve, apporte une bouffée de bonheur aux spectateurs du Théâtre de l’œuvre et ce, jusqu’au 30 juillet 2023.

Le noir et blanc a été logiquement choisi, pour nous transporter au début du XXème siècle et nous replonger dans un épisode de la vie du jeune Charlie Chaplin. Ce choix de mise en scène exigeant fonctionne admirablement et nous permet de voyager à travers le temps tout en balayant quelques souvenirs. C’est une première surprise. La narration, déroulant l’histoire grâce à la répétition de scènes, jouées sous des angles différents, en constitue une seconde. Elle nous laisse découvrir l’intrigue, par fragments. C’est dire que dans « Smile », tout est différent et contribue à envelopper le public d’un voile fait d’un peu de mystère et de beaucoup de poésie. Grimés, drôles et toujours justes, les comédiens s’emparent de ce petit bijou comme s’ils l’avaient confectionné eux-mêmes et jouent avec la richesse d’expression qui n’est pas sans nous rappeler les grands moments du muet. Alexandre Faitrouni donne vie avec sa douceur et sa subtilité habituelles au héros de l’histoire. Face à lui, Pauline Bression est d’une vérité et d’une élégance touchantes et Tristan Robin (en alternance avec Dan Menasche) rejoint cette distribution avec une facilité qui ne manque jamais d’étonner. Ce trio parfaitement homogène est le troisième atout majeur d’un spectacle envoutant qui nous séduit par sa légèreté. Dans le bel écrin du Théâtre de l’œuvre, « Smile » n’est pas seulement un excellent spectacle, c’est aussi et surtout le parfait résumé de ce que le théâtre nous offre de meilleur.

Philippe Escalier

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Les Secrets de la Méduse

Sur la scène du Théâtre de la Huchette, Geoffrey Callènes se glisse dans la peau d’une dizaine de personnages pour nous faire revivre le drame d’un célèbre naufrage. Cette petite leçon d’Histoire passionnante est d’abord et surtout une grande performance d’acteur.

Dés les premières secondes, dans une mise en scène très épurée, jouant sur les lumières et l’ambiance, l’on comprend que tout va reposer sur le talent de Geoffrey Callènes. De fait, ce récit polyphonique permet d’entendre quelques-uns des passagers et de comprendre ce qui a provoqué l’ensablement fatal de la frégate au large de la Mauritanie. Nous le comprenons d’autant mieux que l’aisance phénoménale de l’acteur nous permet d’assister à la montée en tension et à ces scènes effarantes de survie sur le radeau comme si nous avions dix comédiens sous les yeux déclamant le texte plein de vie et de rebondissements écrit par Antoine Guiraud (qui en est aussi le metteur en scène) et Geoffrey Callènes. Ils nous donnent avec brio tout le background de cette histoire alors que le tableau illustre de Théodore Géricault a préempté les circonstances de ce naufrage responsable de 160 morts dus à l’incompétence d’un aristocrate resté plus de vingt cinq ans sans avoir navigué, affecté à ce commandement par favoritisme quelques mois après l’effondrement du Premier empire. Ce spectacle, qui nous tient en haleine sans discontinuer, se montre digne du chef-d’œuvre peint par Géricault à vingt-huit ans, soit quatre ans avant de disparaitre prématurément.
La subtilité de Geoffrey Callènes, sa faconde, son physique font de lui un acteur taillé pour les personnages d’époque. Son talent explosait déjà dans « Les Trois Mousquetaires » mis en scène par Charlotte Matzneff ou dans le « Cyrano de Bergerac » monté par Jean-Philippe Daguerre. Cette création qui lui tient visiblement à cœur lui permet de retracer l’histoire d’un tableau, lui qui est aussi doué pour la peinture et qui expose régulièrement. Cet acteur haut en couleur amoureux de la peinture était donc bien le mieux placé pour nous offrir une traversée que nous ne sommes pas prêts d’oublier.

Philippe Escalier

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Le Garçon Nuage

Dans la petite salle voutée des Déchargeurs, « Le Garçon Nuage » création de Ethan Oliel, comédien époustouflant, est un plaisir rare qui ne peut se refuser.

C’est au moment où vous entendez un texte, sans pouvoir le classer ou la cataloguer, quand il vous étonne et vous fait voyager en changeant d’histoire et de ton, que vous comprenez que vous avez affaire à un écrit abouti qui se fiche bien de l’air du temps. « Le Garçon Nuage » mis en scène par Charly Coïc est un récit formidablement écrit dans un style aux accents classiques (vous aurez même droit à quelques alexandrins) mais carburant à l’énergie et plein de vie. Il est du reste si bien construit autour du thème de l’amour qu’il commence par séduire son auditoire pour ne plus le lâcher. Son auteur, Ethan Oliel, est un poète des temps modernes qui joue avec une force et un brio forçant l’admiration. Tout commence par un besoin d’abandon, une envie de fuir la réalité tout en se laissant aller à ne rien faire. Une envie d’abdiquer après une blessure amoureuse. La citation de Nietzsche citée en épigraphe : « En amour, il y en a toujours un qui joue et l’autre qui est joué ; Cupidon n’est qu’un petit régisseur de théâtre » n’est pas là par hasard. Mais ne comptez pas sur nous pour dévoiler davantage ce que Ethan Oliel raconte si bien et qu’il a sous-titré « Itinéraire d’un mécontemporain énamouré » d’autant que la trame est ici moins importante que la forme. Attendez-vous simplement à rencontrer une surprise à chaque phrase, de la poésie dans chaque mot. Sommes nous dans le réel ou dans l’imaginaire ? Peu importe la réponse, suivez ce garçon sur son nuage et si vous éprouvez un certain vertige, ce sera celui des cimes balayées par le souffle puissant du talent. Merci à lui de nous portez si haut, avec juste quelques mots ! Merci à lui de nous offrir une heure de rêve !

Philippe Escalier

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20 000 lieues sous les mers

L’adaptation de l’œuvre de Jules Verne par Christian Hecq et Valérie Lesort au Théâtre de la Porte Saint-Martin fait revivre les fonds marins grâce à la magie des marionnettes tout en faisant la part belle à l’humour dans ce magnifique spectacle largement plébiscité.

L’histoire du Capitaine Nemo et de son Nautilus est mythique. Adaptée au cinéma et en bandes dessinées, il fallait tout l’art du célèbre duo de metteurs en scène (Moliérisé 3 fois en 2023) pour recréer la magie du roman sur scène et transporter le spectateur dans cette aventure, en lui réservant une succession de surprises. La première d’entre elles se révèle être la reconstitution du milieu aquatique par le jeu, plein de facéties, des marionnettes très travaillées dont Valérie Lesort a le secret et qui nécessite de plonger la salle dans le noir complet. Cette réalisation sans faille apporte cette touche d’humour et de dérision qui fait l’un des charmes de ce spectacle. Drôlerie qui caractérise également les personnages, notamment l’ineffable et hilarant Flippos, second brillamment interprété par Pauline Tricot et le désopilant sauvage énergiquement incarné par le danseur et comédien Mikaël Fau.
En compagnie du sévère Capitaine Nemo (Éric Verdin), du Professeur Aronnax (Éric Prat) toujours suivi de son serviteur (Laurent Natrella) et du harponneur bagarreur (Rodolphe Poulain) nous faisons une traversée à la fois burlesque et stylisée, racontée avec une originalité et une poésie enchanteresses, séduisant tous les publics. Quand au bout d’une heure trente que l’on ne voit pas passer nous touchons terre, c’est avec regret que nous quittons cette mémorable équipe, non sans l’avoir auparavant engloutie sous des vagues d’applaudissements.

Philippe Escalier – Photo © Fabrice Robin

https://www.portestmartin.com/

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De profundis

La magnifique lettre d’Oscar Wilde écrite en prison et destinée à Lord Alfred Douglas est restituée magnifiquement par Josselin Girard au Studio Hébertot. Un superbe moment d’une grande intensité.

« Notre lamentable et fatale amitié s’est terminée pour moi par la ruine et la honte publique » : dés les premières phrases, le décor est planté, la vérité énoncée. De profundis est écrit alors qu’Oscar Wilde purge une peine infamante de deux ans à la prison de Reading. Dans le dénuement et la souffrance de cet enfermement injuste, ayant mis fin de la pire manière à une carrière auréolée d’un succès éclatant et envié, Oscar Wilde dans le style raffiné qui a toujours été le sien, fait un bilan quasi clinique de sa relation de 4 ans avec le fils du marquis de Queensberry qui s’est servi de son illustre ami pour engager un combat à mort avec son père. De cette terrible lutte familiale, c’est l’auteur du « Portrait de Dorian Gray » qui en fera seul les frais. Condamné aux travaux forcés pour homosexualité, Oscar Wilde, déchu et honni, pour la première fois ouvre les yeux et décrit cette relation inégale, toxique avec un jeune homme sans culture, égoïste et tyrannique dont il fut pourtant amoureux et qu’il souhaite mettre devant ses responsabilités. C’est une véritable addiction fatale qu’il décrit dans le détail, avec le langage poétique et fleuri qui est le sien, porté par le désir de ne pas ajouter à son infernale vie le poids des chaines de la haine.
Ce discours superbe et émouvant où l’humanité et la souffrance ne font qu’un, a été parfaitement concentré pour donner 1 h 10 de spectacle. L’on ne perd pourtant rien à la force de cette œuvre d’autant que Josselin Girard avec sincérité et sobriété, s’avère être un interprète hors pair, d’une précision et d’une subtilité remarquables. Il fait tant et si bien que dans la mise en scène particulièrement épurée de Bruno Dairou, il nous donne à entendre ce texte de la plus belle des manières. Le public du Studio Hébertot assiste dans un silence religieux à cette magistrale interprétation.

Philippe Escalier – photo © Philippe Hanula

https://studiohebertot.com/spectacles/de-profundis/

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Rémy Marchant : une vie très danse !

Après le succès au Casino de Paris, « Flashdance » reprend actuellement à Bobino du 31 mars au 30 avril 2023. Cette comédie musicale tonique, servie par une belle troupe, est l’occasion de revoir sur scène le danseur souriant et talentueux qu’est Rémy Marchant.

Ce Picard commence à Lille une formation de sports-études à 14 ans. Deux ans plus tard, il arrive au CNSM de Paris où il débute sa formation en danse contemporaine, en horaires aménagés afin de poursuivre sa scolarité. Il décroche son premier contrat de danseur à Disneyland Paris avant de travailler pour le chorégraphe contemporain Faizal Zeghoudi avec qui il donne « Le Sacre du printemps » et « La Belle Hélène » à l’Opéra de Bordeaux. Dans le même temps, il intervient sur beaucoup d’événementiels festifs, auxquels il n’a jamais renoncé, toujours très attiré par le mystère et l’ambiance entourant milieu de la nuit.
Il participe à « Panorama » en 2012, qui retrace la vie de la compagnie Philippe Decouflé, une belle expérience s’étalant sur deux ans avec notamment une tournée internationale. En 2015, il danse dans « La Légende du Roi Arthur » de Dove Attia, chorégraphiée par Giuliano Peparini qui travaillera aussi avec les danseurs des « Amants de la Bastille ». Rémy part ensuite un an avec Giuliano Peparini en Italie pour l’émission télé de Maria De Filippi, « Amici » où il fait partie des danseurs professionnels de l’équipe, participant aux shows et apportant leur aide aux danseurs candidats. L’expérience italienne se passe bien, mais elle est compliquée par le fait que Rémy a été victime d’un accident du genou lors d’une répétition du « Roi Arthur ». Il met à profit son retour à Paris pour devenir assistant metteur en scène à Disney, une période très formatrice qui lui permet de participer à l’organisation des spectacles phares du parc, dont le nouveau « Jungle Book Jive » créé en 2019, et ce, tout en soulageant un genou encore un peu fragile. Rémy profite de la période Covid pour passer en 2021 un diplôme de coach sportif. Avec la maturité, Rémy Marchant dit ne plus redouter les périodes un peu calmes qui alternent avec ses contrats. Elles sont devenues pour lui des moments propices à l’observation de l’actualité artistique mais aussi lui permettent de se ressourcer, lui qui pour rien au monde n’abandonnerait le havre de paix qu’il s’est construit avec l’amour de sa vie, dans le sud de la France, à Montpellier.

Texte et photos © Philippe Escalier

Bobino :

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La trajectoire des Gamètes

Le parcours de vie original et touchant que la comédienne Cécile Covès nous fait partager a été écrit par Laura Léoni. Ce récit autobiographique porteur d’une forte charge émotionnelle est un remarquable plaidoyer empreint d’humanité pour toutes les formes de parentalité.

S’il fallait se convaincre que décidément, les histoires de famille ne sont jamais simples, connaître la vie de Cécile Covès est tout indiqué. Elevée par un couple de femmes, issue d’une courte rencontre entre une maman un peu barrée et un bel homme, égoïste mais honnête « Je te fais un enfant et après je m’en vais », ayant dû côtoyer un beau-père psychologiquement maltraitant mais cocoonée par l’amie intermittente de sa mère, Cécile Covès avait toutes les cartes en mains pour nous démontrer que rien n’est facile quand il s’agit de vie sentimentale et de progéniture. Mais aussi que rien n’est impossible quand on sait prendre assez de distance et faire preuve de beaucoup de résilience. Ses belles victoires remportées devant les difficultés lui donneront en retour l’envie de permettre à des couples de satisfaire leur désir profond d’enfant, fusse en empruntant des voies qui, pour être parallèles, n’en sont pas moins légitimes.
Le scénario, assez étoffé pour ne pas avoir besoin d’être enrichi, a été travaillé par Laura Léoni avec beaucoup de subtilité et de naturel ainsi qu’une bonne dose d’humour. La légèreté qui en résulte correspond parfaitement à la personnalité de l’actrice qui occupe l’espace et captive son public, sans manière mais en interprétant cinq personnages différents auxquels elle sait donner vie avec talent par de petits détails et grâce à une mise en scène simple et efficace signée Morgan Perez. Lorsque la comédienne débute en racontant qu’elle a longtemps imaginé que son père (rencontré bien plus tard, à l’âge adulte) était Luke Skywalker ou quelque autre personnage célèbre, nous la suivons en sachant parfaitement que c’était là les instruments d’autodéfense d’une enfant en perpétuel questionnement. Sa sincérité et sa générosité sans borne nous permettent de faire en sa compagnie ce voyage intime avec un plaisir non dissimulé. Comment ne pas être séduit par l’aisance avec laquelle Cécile Covès transforme en or tout le plomb d’une vie ? Parce que cela fait un bien fou, il faut aller vivre ce moment de théâtre et écouter cette trajectoire d’une fille courage, véritable hymne à la vie.

Philippe Escalier

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Merteuil

Le premier texte de Marjorie Frantz, mis en scène par Salomé Villiers au Lucernaire est une magnifique réussite qui nous plonge dans le duel entre deux femmes et prolonge de la plus belle des manières « Les liaisons dangereuses ».

Le public reste le meilleur des critiques ! Le silence des spectateurs profondément attentifs en dit aussi long que les applaudissements enthousiastes qui clôturent la représentation. « Merteuil » est une surprise. Et quelle surprise : la plus belle qui soit ! Elle débute par quelques interrogations : qui est ce personnage en tenue d’époque ? Quelle est cette langue raffinée, expressive, si savoureuse (très XVIIIéme) qui vient dépeindre un duel sans concession qui s’engage entre deux femmes que tout oppose ? Des femmes, il en est beaucoup question à travers l’injustice de leur condition, l’oppression continuelle dont elles font l’objet et ne peuvent se libérer qu’une fois devenues veuves, du moins pour les plus fortunées d’entre elles. Mais le combat ne se situe pas qu’à ce niveau : celle qui a provoqué cette rencontre a des comptes à régler. Face à une femme manipulatrice (ou libératrice, allez savoir!), elle cherche aussi et surtout à préserver son futur et à éviter de voir resurgir une vieille histoire.

Le récit de Marjorie Frantz est passionnant. Il pourrait s’intituler « Les liaisons dangereuses, quinze ans après ». Il ne serait pas pertinent d’en dire beaucoup plus pour laisser au spectateur l’entier plaisir de la découverte. L’assurance d’entendre un texte magnifique dit par deux grandes comédiennes doit suffire. Chloé Berthier, élancée et blonde est l’incarnation parfaite de son personnage. Face à Marjorie Frantz, elle donne vie à ce dialogue captivant avec brio. La mise en scène de Salomé Villiers sait nourrir l’intensité du texte, par petites touches, précises, subtiles, ponctuées de quelques moments musicaux signés Adrien Biry Vicente.

Par son texte, son interprétation et sa mise en scène, « Merteuil » a tout pour séduire le plus large public. Cette pièce, à laquelle, emporté par notre enthousiasme, nous prêterions presque des vertus thaumaturges, est la synthèse même de tous les plaisirs que peut nous apporter le spectacle vivant !

Philippe Escalier

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Soy de Cuba

Avant une tournée en régions, c’est au 13E Art que la compagnie cubaine propose un spectacle de danse euphorisant, débordant d’énergie, qui mérite bien son sous-titre : Viva la Vida !

« Soy de Cuba » commence par nous transporter dans une fabrique de cigares à La Havane, représentée par de nombreuses et immenses photos murales. Dans ce cadre, entre les ouvrières, les danseurs et les boxeurs, l’on retrouve une ambiance survoltée et le climat très chaud, si particulier de la capitale cubaine où conflits et passions s’expriment par le chant et la danse. Dix-huit tableaux composent cette dynamique comédie musicale sans paroles mais avec des mélodies envoutantes, interprétées par deux chanteuses accompagnées par un bel orchestre de six musiciens. Sous la direction du compositeur Rembert Eguës, pendant 1 h 40, la remarquable troupe de quatorze danseurs, à coup de mambos, rumbas, salsas et autres rythmes jazzy afro-cubains vient séduire la salle avec un flot ininterrompu de chorégraphies particulièrement dynamiques et originales. La « pasión cubana » s’exprime dans toute sa splendeur et sa vitalité contagieuse. Dés les premiers instants, le public est placé sous le charme des Caraïbes et se laisse emporter par ce tourbillon de danses trépidantes.
Ce spectacle qui va vous transporter à l’autre bout de la planète n’a qu’un défaut majeur : il ne reste pas très longtemps à l’affiche. Vous n’avez que jusqu’au 26 mars 2023 pour participer à ce voyage exotique où la fiesta, le rythme et le déhanchement sont roi !

Philippe Escalier – Photo © Philippe Fretault

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Suite royale

Élie Semoun et Julie de Bona affichent une belle complicité et nous offrent avec « Suite royale » un moment drôle et léger particulièrement réussi sur la scène du Théâtre de la Madeleine.

Judith Elmaleh et Hadrien Raccah ont imaginé cette histoire de couple un peu perturbé après 16 ans de vie commune. Lui, du genre faible, vit au crochets de sa femme en écrivant des livres que personne ne lit. Elle travaille et fait bouillir la marmite. Jusqu’au moment où il l’invite dans le plus beau palace parisien : un événement est venu bouleverser sa vie qui va avoir des répercutions sur celle de son couple.
Les deux auteurs ont écrit une comédie pleine de surprises, sans temps mort, énergiquement concentré sur une heure quinze. Les répliques font mouche et l’on assiste à un duel qui ne manque ni de piment ni de sel. Reproches, petits règlement de comptes sur fond de tendresse et de jalousie, annonces surprenantes, l’ensemble est rendu irrésistible par les interprétations précises et brillantes d’Élie Semoun et Julie de Bona. Les deux artistes incarnent leur personnage à la perfection. La comédie ne laissant place à aucun flottement, ils disent leur partition avec brio et emportent l’adhésion du public dès les premiers instants d’autant que cette pièce, d’une précision remarquable, enchaine les effets comiques que la mise en scène sans fioriture et terriblement efficace de Bernard Murat met parfaitement en évidence. Au final, cet instantanée du couple, plus réaliste et profond qu’il n’y parait avec quelques traits parfois un peu cruel, est avant tout prétexte à une pièce jubilatoire nous transportant dans un monde tendre, bercé et rythmé par le rire, autant dire un spectacle incontournable par les temps qui courent !

Texte et photo : Philippe Escalier

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Sherlock Holmes : l’Aventure Musicale

La nouvelle comédie musicale de Julien et Samuel Safa présentée au 13E Art est une belle réussite portée par une troupe faisant des merveilles sur scène.

Dés les premières secondes, le public est pris par l’énergie qui se dégage de ce surprenant spectacle. L’on entre tout de suite dans le vif du sujet avec les riches chorégraphies de Johan Nus illustrant parfaitement la musique entrainante et tonique de Samuel Safa. Très visuel, grâce aux vidéos ingénieuses d’Harold Simon qui font vivre l’histoire en nous donnant le sentiment d’assister à un film d’aventure, le spectacle se met en place tambour battant. L’intrigue : le vol d’une statuette Aztèque dans un musée londonien génère l’intervention du grand détective secondé du fidèle Watson auquel vient s’ajouter une autre enquêtrice apportant la touche féminine et charmante qui manquait au célèbre duo du 221 B Baker Street

L’enquête va nous faire voyager dans deux pays lointains prétextes à des situations pittoresques et des danses endiablées faisant appel à de très beaux costumes colorés se jouant des folklores indiens et mexicains avec une drôlerie irrésistible. Le texte, lui aussi empreint d’humour et de références, reste vivace et léger et fait que le public participe à l’avancée des recherches avec un grand sourire qui ne le quitte jamais. Un cadre aussi abouti est donc idéal pour l’épanouissement d’une troupe qui n’a pas manqué de nous séduire et de nous impressionner. Aux côtés d’un Holmes aux belles qualités vocales (Bastien Monier), Guillaume Pevée (en Watson) nous offre un surprenant et ébouriffant festival de danseur comique face à Marine Duhamel, séduisante et efficace Emma Jones. Ce trio est encadré, avec tout le talent requis par Océane Demontis, Lola Rose, Clément Cabrel, Jean Louis Dupont, Mélissa Mekdad, Hippolyte Bourdet, et Charlène Fernandez. Tous nous emportent dans un spectacle jubilatoire qui ne nous laisse aucun répit, faisant autant la joie des adultes que des enfants. L’on ressort du 13E Art heureux, certains qu’avec de tels artistes, la comédie musicale française qui a trouvé son style, a de beaux jours devant elle.

Texte et photos : Philippe Escalier

Jusqu’au 4 mars 2023 : Infos et billetterie 👉🏻bit.ly/SherlockHolmesParis

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Exposition « La Cage aux Folles » au Palais-Royal

À l’occasion de la création de « La Cage aux Folles » de Jean Poiret il y a exactement 50 ans, le Théâtre du Palais-Royal organise une exposition permettant de revivre en photo quelques-uns des grands moments de cette comédie au succès planétaire.

Mettre à l’affiche une pièce construite autour d’un couple d’homosexuels n’avait rien d’évident en 1973. Du reste, Jean-Michel Rouzière qui dirige alors le Palais-Royal hésite, conseillant au passage d’en changer le titre, suggestion qui restera heureusement lettre morte. Michel Serrault, qui avait déjà joué un sketch sur ce thème une dizaine d’années auparavant avec son complice Poiret prend le temps de la réflexion avant d’accepter le rôle, conscient de la difficulté à l’incarner, qui plus est sur la durée. Il accepte et Pierre Mondy signera la mise en scène. Le 5 février 1973 l’aventure peut commencer. 2000 représentations, 1 million de spectateurs, avant une reprise aux Variétés avec Michel Roux et Jean-Jacques en 1978 et la même année la sortie sur les écrans de la version franco-italienne avec Ugo Tognazzi dans le rôle de Renato. Viendra ensuite l’adaptation à Broadway auréolée ses 6 Tony Awards (1983) suivie du triomphe londonien.

Les photos dans le hall du théâtre du Palais-Royal n’ont pour la plupart jamais été exposées. Surplombées par deux magnifiques robes d’Albin, elles permettent d’admirer les affiches d’origine et de retrouver les artistes qui ont fait vivre la pièce au fil des ans. Henri Garcin, Jacques Sereys, mais aussi pas moins de 14 comédiens parmi lesquels Marco Perrin, Jacqueline Mille, Benny Luke, Paul Demange, Bernard Murat, Philippe Lavot, Frédéric Norbert, Maurice Bray, Marcelle Ranson-Hervé… Sans oublier le merveilleux décorateur et costumier André Levasseur.

L’exposition peut se visiter en accès libre, du mardi au samedi à partir de 17 h et ce jusqu’au 1er juillet 2023. Les heureux spectateurs d’«Edmond » et de « La Machine de Turing » actuellement à l’affiche du Théâtre du Palais-Royal seront au nombre de ceux qui vont découvrir cet émouvant retour imagé vers l’un des plus étonnants succès de la comédie made in France.

Texte et photos : Philippe Escalier

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Les Fous Alliés

Ils se sont imposés avec une vraie personnalité et un humour différent et diablement efficace. Pour notre plus grand bonheur, ils sont actuellement en tournée en France et tous les lundis et mardis au Théâtre du Marais à Paris.

C’est une histoire de fou ! Avec Vincent Cordier l’auteur et son partenaire Fabrice Pannetier, cette expression populaire est à mettre au pluriel. Car en leur compagnie, nous sommes confrontés à une série de sketches venant mélanger l’absurde, le cynisme, la bizarrerie et surtout la démesure. Avec beaucoup de subtilité, tout est écrit afin de rendre ces histoires drôles et délirantes presque crédibles. De ce magnifique bouquet de défauts humains portés à leur paroxysme, Vincent Cordier a fait une série de mini feux d’artifices surprenants : vous ne savez jamais où il va vous mener et chaque fois, la chute est puissante et totalement inattendue. Mis en scène par Stéphane Duclot qui fait des merveilles avec juste deux chaises en acier, les deux comédiens habitent leurs personnages et ne laissent aux spectateurs hilares et médusés aucune minute de répit. Toujours un peu psychotique, frisant la monstruosité mais jamais dépourvue d’une certaine logique, chaque histoire nous entraine sur des chemins escarpés et vertigineux, pavés d’une douce démence éminemment hilarante. Les Fous Alliés font partie de ces rares humoristes qui ont su, avec une furieuse originalité et un réel panache, renouveler le genre. Une raison suffisante pour les aimer… un peu, beaucoup, à la folie !

Philippe Escalier – photo © Pascal Ito

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Irish Celtic, Spirit of Ireland

Les plus chanceux ont pu les admirer aux Folies Bergère tout récemment. Le Palais des Congrès offre le 14 avril 2024 une occasion de les revoir à Paris, avant une tournée, forcément triomphale !

La danse, la musique, l’humour et une troupe au taquet, les Irish Celtic ont tout pour rendre leur public heureux. Les danses irlandaises sont connues pour le rythme fou et la formidable énergie qu’elles dégagent, si emblématique de la fougue de la nation celtique.. En talons renforcés, la troupe de danseurs se dépense sans compter sur scène : chacune de leur prestation est une compétition chorégraphiée pendant laquelle les figures les plus spectaculaires sont réalisées. Qu’ils valsent, qu’ils fassent des claquettes, en solo ou en groupe, c’est toujours avec la même force qu’ils viennent virevolter sous nos yeux, nous laissant admirer un jeu de jambes d’une agilité confondante.

Leurs numéros se déroulent dans un grand pub typique, dont le patron, le vieux Paddy, un peu porté sur la boisson (truculent Toby Gough), avec une faconde étourdissante, vient raconter, l’histoire. Il se trouve que c’est également celle de ce magnifique pays ayant résisté à toutes les catastrophes, les anglais étant inclus dans le lot ! À la danse se mêle donc un récit plein de jovialité, qui raconte aussi une transmission, celle que réalise Paddy en faveur de son fils, Diarmuid, jeune et insouciant comme il se doit, interprété par le talentueux Ciaran Mac Manus. Autour d’eux, c’est tout un ensemble de danseurs qui nous en mettent plein la vue. Plus extraordinaires les uns que les autres, il est impossible de résister à l’incroyable ambiance qu’ils font régner tout du long devant un public subjugué. Derrière eux mais bien présents, cinq musiciens rendent le spectacle plus vivant encore, si tant est que ce soit possible. Tout est réuni pour que, l’espace de deux heures, le public français s’évade vers une Irlande belle et fière que l’on ne quitte qu’à regret.

Irish Celtic sera en avril 2024 : à Bayonne le 16 – à Pau le 18 – à Toulouse le 21 avril

Texte et photos : Philippe Escalier

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